Omar Sy redonne vie au clown Chocolat dans le film de Roschdy Zem
"Les Premiers, les Derniers"
Dans ce film, Albert Dupontel et Bouli Lanners lui-même forment un duo de détectives fatigués, usés par la violence du monde, et dont la route va croiser celle d'un jeune couple de marginaux unis par un amour sans faille, un amour mais aussi une naïveté et une candeur dont se moque la société, et qui pourtant vont toucher, et peut-être sauver ces deux vieux détectives. Cet amour en effet pourrait bien être la seule arme contre le désespoir ambiant, le désespoir d'un monde à la veille de l'apocalypse, que Bouli Lanners fait émerger en s'attardant sur les paysages abimés de la Beauce ou les visages fatigués de ses héros.
Et si l'on perd parfois un peu le fil de la longue errance des personnages, les images très travaillées impressionnent, tout comme la bienveillance du regard du cinéaste sur ce jeune couple, dont l'innocence est finalement une force, et qui fait de ce film un hymne à l'amour, qui a conquis Albert Dupontel : "Il y a deux perdus dans ce film mais qui vivent une pure histoire d'amour, donc ils sont dans le vrai, dans la solution possible pour l'humanité. Ils sont supposés fous, marginaux, par un monde que moi je juge déviant. On qualifie souvent de fous des gens qui sont juste dans une vérité qui n'est plus palpable dans un monde devenu "branque" et qui ne s'en rend même plus compte ."
Joachim Lafosse, dont le dernier film, "Les chevaliers blancs" est toujours à l'affiche, conseille de ne pas manquer non plus, dans les dernières salles où il est projeté, le très beau mélo de Nanni Moretti, "Mia madre" , avec son héroïne incarnée par Margherita Buy, en cinéaste angoissée, débordée, qui est en train de perdre sa mère malade, qui se rend compte de tout de ce qu'elle a manqué avec elle, et qui, entre sa mélancolie et les péripéties sur son plateau de tournage, a fait passer Joachim Lafosse du rire aux larmes : "J'ai pleuré pendant la moitié du film, de chaudes larmes, parce que c'est un film qui vous permet de vous demander ce que provoque chez vous le fait de ne pas avoir été auprès des vôtres quant il le fallait. On ne peut pas toujours y être, mais on doit s'arranger avec ça. Et comme fait-on avec cette tristesse? C'est un film magnifique ."
Parmi les têtes d'affiche mercredi prochain, il y aura Michael Fassbender, dans la peau de Steve Jobs dans le film de Danny Boyle, ou encore Omar Sy, qui prêtera ses traits au clown Chocolat dans le film de Roschdy Zem. Chocolat fut le premier artiste noir à connaitre la gloire sur la scène française au début du siècle dernier, grâce à son duo avec Footit, et dans le rôle du nègre souffre-douleur. L'artiste d'ailleurs n'a jamais été émancipé de sa condition d'esclave, et reste largement méconnu, d'où la fierté qu'éprouve Omar Sy de le faire revivre à l’écran : "Plus j'avais d'informations sur lui, plus je me demandais comment on avait pu oublier ce gars-là. Je me rend compte de tout ce qu'il a fait, de l'époque qu'il a traversée, de son parcours, de fils d'esclave à star à Paris. Je me l'explique en me disant qu'il y a eu la guerre après, et des archives détruites. Mais il y a une petite part de moi qui se dit qu'il y a aussi une forme de déni dans le fait qu'on a envie d'oublier cette époque où on riait d'un numéro qui, pour les auteurs, était satirique, mais devant lequel le public riait souvent au premier degré. "
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