"Vortex" de Gaspar Noé : une plongée bouleversante dans la fin de vie
L'enfant terrible du cinéma français, Gaspard Noé, signe le très beau portrait d'un couple vieillissant et déclinant.
Souvenez-vous, Irréversible, Enter the Void, Love, autant de films nerveux, crus, violents, ayant pour certains fait scandale. Mais à désormais 57 ans, et 20 ans pile après Irréversible, Gaspar Noé a changé, il est apaisé, assagi, et après des événements personnels comme des soucis de santé, il avait envie de parler d'autre chose, en l'occurrence de fin de vie, de vieillesse et de maladie.
Un film magnifique sur la vieillesse
Évidemment, sur le papier, ça ne promet pas un film franchement rigolo, mais Vortex est pourtant un film magnifique, qui choisit justement de montrer la vieillesse, son quotidien, sa crudité, ce que veut dire perdre la mémoire, et peu à peu, perdre la tête, d'être fragile, soit des choses qu'on voit trop rarement au cinéma :
"C'est vrai que c'est une expérience très, très dure, et les gens ne sont jamais vraiment préparés. Il y en a qui connaissent la guerre, la maladie jeune, la dépression, la drogue, il y a plein de sujets qui font peur. Mais le grand âge, ça frappe presque tout le monde."
Gaspard Noé, cinéasteà franceinfo
"Et c'est peut-être parce que c'est un sujet qui est ancré dans l'expérience humaine, poursuit le réalisteur, que les gens n'aiment pas à voir ça représenté sur un écran. On préfère voir des films d'horreur avec des monstres qui nous entraînent dans des mondes souterrains, que de voir la déchéance liée à l'âge, parce que c'est certainement ce qui va nous arriver."
Le réalisateur est très bien aidé ici par ses trois comédiens, tous très justes et même époustouflants, le réalisateur italien Dario Argento et Françoise Lebrun, actrice mémorable de La Maman et la Putain de Jean Eustache en 1973, dans les rôles de ce couple de bourgeois parisiens âgés, et Alex Lutz qui interprète leur fils unique toxicomane.
Et comme souvent avec Gaspard Noé, le scénario tenait sur trois pages, et presque tous les dialogues ont été improvisés, ce qui n'a pas empêché Françoise Lebrun de se documenter beaucoup sur la maladie d'Alzheimer :
"Je n'ai pas d'héritage familial avec Alzheimer, donc je n'avais pas de référence concrète. J'ai regardé tout ce que j'ai pu trouver comme documentaires. Et je me suis dit qu'il était très difficile d'être juste avec tout ça, il n'y pas de mode d'emploi, il n'y a pas une seule forme d'Alzheimer. Chaque personne développe sa propre dégénérescence. Il y a celles qui se sauvent tout le temps, cassent des choses, etc. Donc il faut inventer."
À noter aussi l'utilisation de la technique du "split screen" qui ici sépare l'écran en deux pour toute la durée du film, et permet de se concentrer sur deux personnages à la fois dans un lieu différent, ce qui donne l'impression de regarder deux films en un.
Danser pour casser la non-mixité scolaire
Autre sortie de la semaine : Allons Enfants, un documentaire dont franceinfo est partenaire, qui s'intéresse à l'expérience du lycée Turgot, dans le 3e arrondissement de Paris, qui accueille des élèves venus d'autres établissements, et notamment de banlieue, en tous cas de quartiers populaires, pour décloisonner et tenter de réussir une vraie mixité scolaire et sociale, via la danse et via une section "hip-hop".
Long de 110 minutes, le film prend son temps et c'est tant mieux, alternant scènes de danse et échanges entre les élèves et la hiérarchie de l'établissement. Et un film qui aurait aussi pu s'appeler "La déter", mot d'argot et abréviation de détermination.
L'un des deux réalisateurs, Alban Teurlai, était l'invité de franceinfo cette semaine :
"La 'déter', c'est la gnaque, le désir, c'est l'envie, c'est la volonté. Il est beaucoup question des 'battles" dans le film, ce moment où les danseurs se mettent en cercle, pour se défier en solo ou par équipes. Le 'battle' est une sorte d'analogie de ce que ces enfants vont affronter plus tard dans la vie, donc on apprend à regarder l'adversaire dans les yeux, à le saluer, le respecter, on apprend aussi la loyauté et à ne pas se laisser faire aussi."
À l'ombre des filles et A Chiara
Enfin deux autres conseils en bref. On parlait d'Alex Lutz, sachez qu'il joue dans un deuxième film sorti cette semaine, À l'ombre des filles, réalisé par Étienne Comar, dans lequel il interprète un prof de chant qui a perdu sa voix et qui donne des cours en prison. Agnès Jaoui et Hafsia Herzi complètent le casting.
À voir également A Chiara, de l'italien Jonas Carpignano, sur une adolescente dont la famille est confrontée à la mafia en Calabre, avec là aussi des comédiens remarquables.
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