Bolivie : la réserve naturelle de Tariquía menacée par l'appétit gazier de l'État
En Bolivie, au sud du pays, la réserve naturelle de Tariquía, sanctuaire de biodiversité, est menacée par l’appétit gazier de l’État bolivien. Depuis dix ans, les communautés locales tentent de résister à l’intrusion des compagnies pétrolières, mais la crise économique pousse le gouvernement à intensifier la pression. Depuis le mois d’octobre 2024, la réserve est de nouveau au centre des tensions.
Pourquoi la réserve est-elle menacée ? Si Tariquia est devenue juridiquement une réserve naturelle de faune et de flore en 1980, avant cela, des explorations ont pu révéler la présence d’hydrocarbures. Donc, il y a 10 ans, quand le gouvernement bolivien a commencé à chercher désespérément de nouveaux gisements pour soutenir son modèle économique : Tariquía est rapidement devenue une cible de premier choix.
Sauf que le problème est que son statut de réserve empêche toute exploitation. Le gouvernement a alors cherché à contourner cet obstacle. Et sans informer ni consulter les communautés locales, il a fait passer des lois pour baisser le niveau de protection de la réserve et ainsi permettre la signature de contrats avec des entreprises pétrolières, comme la nationale et publique YPFB et la transnationale brésilienne Petrobras.
Les entreprises pétrolières entrent de force dans la réserve
Depuis le début, les communautés locales s'opposent fermement à ces projets. À Chiquiacá, par exemple, elles ont rapidement dénoncé les conséquences environnementales et sociales en s’appuyant sur les expériences vécues dans des départements voisins déjà exploités. Le constat était clair, il y a une destruction de la biodiversité et une contamination des sources d’eau. L’opposition a commencé à vraiment s’organiser en 2017 avec des manifestations, puis en 2019, un blocus de six mois à l’entrée de la réserve a permis de faire reculer les entreprises. Mais le problème est que les défenseurs se heurtent à l’ambition démesurée de l’État et à l’appétit des compagnies. Les pressions, entre harcèlement et intimidation, se sont calmées, un temps seulement.
L’actuelle crise économique a poussé le gouvernement à intensifier les pressions pour relancer l’exploitation dans la réserve, faute de nouveaux gisements ailleurs. Aujourd’hui, il tente une autre approche : convaincre les villages les plus isolés avec des promesses de développement économique. Mais la situation s’est tendu ces dernières semaines. Alors qu’une sorte de référendum dans la communauté devait avoir lieu le 15 octobre pour autoriser ou non le forage de la zone, les entreprises pétrolières n’ont pas attendu le résultat et ont pénétré de force dans la réserve.
Les défenseurs de la réserve accusés d'entraver l'activité des compagnies
Les habitants qui tentaient de leur bloquer l’accès ont eux été convoqués par la justice. Ce sont 31 défenseurs de la réserve qui sont accusés d’entraver les activités de ces compagnies. Face à cela, ils se sentent abandonnés et muselés. "En réalité, nous sommes poursuivis pour avoir défendu l'eau, la vie. Malheureusement, le gouvernement et les entreprises veulent nous humilier, ils veulent nous faire taire avec des procès. Cela ne nous intimide pas. Au contraire, cela nous donne de la force et nous allons continuer", explique Juana Mercado, un de ces défenseurs.
En ce moment, les travailleurs achèvent la topographie du site, tandis que les communautés se tiennent prêtes à bloquer à nouveau l’accès dès leur départ. Elles espèrent que, d’ici là, les autorités se mobiliseront pour éviter la catastrophe écologique que cette exploitation pourrait engendrer.
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