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Dans la peau de l'info. Ce que vous ne saviez peut-être pas de la "grève générale"

Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu ou d'un fait au cœur de l'actualité.

Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une manifestation à Paris le 29 septembre 2022 pour demander l'augmentation des salaires. Photo d'illustration. (ALEISTER DENNI / MAXPPP)

Alors que les appels à cesser le travail se multiplient dans le nucléaire, la chimie, les transports, et bien sûr toujours les raffineries, je me glisse ce vendredi 14 octobre dans la peau de la "grève générale". Des pavés à la plage, depuis quelques jours tout le monde parle de moi, sans bien savoir si je suis un mythe ou une réalité…

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Si Sandrine Rousseau m’a appelée de ses voeux sur franceinfo, cependant, vous l’aurez remarqué les responsables syndicaux comme Philippe Martinez de la CGT, eux, n’aiment pas trop prononcer mon nom. Ils préfèrent parler de "mobilisation interprofessionnelle", ou de "grève nationale". Car, moi, la "grève générale", je suis avant tout un concept révolutionnaire.

L'indépassable mai 68

Née à la fin du 19ème siècle, portée par les anarchistes, alors puissants au sein des syndicats et alors qu’on abandonne l’idée des insurrections, la grève générale devient le nouveau moyen de renverser le capitalisme. En 1906, la charte d’Amiens, adoptée par la CGT, fait même de moi un principe fondateur du mouvement ouvrier en vue de "l’émancipation intégrale". Un an plus tard, elle tente de m’appliquer pour la première fois. Un échec. Tous les secteurs ne rentrent pas dans le mouvement, je suis avortée. Autant dire que, depuis, on ne fait pas appel à moi à la légère. Si l’on dit que je suis un mythe, c’est tout simplement parce qu’il n’est évidemment jamais arrivé que l’ensemble des salariés français s’arrêtent ensemble de travailler. Mais à défaut d’avoir été générale, je me suis parfois généralisée. Pas toujours d’ailleurs à l’appel des syndicats.

En 1936 par exemple, c’est une grève ouvrière spontanée qui stupéfie l’Europe, au moment de l'arrivée au pouvoir de la gauche de Léon Blum. Résultat : des congés payés pour tous. Spontanée aussi, en 1968, quand les étudiant du quartier latin de Paris entraînent avec eux les usines. Du jamais vu. 10 millions de grévistes, 150 millions de journées de travail. Résultat : une très forte augmentation des salaires -plus de 30%. 1968, c’est peut-être la seule fois où j’ai réellement été "générale".

Depuis, j’ai donné naissance à la grève par procuration, partielle et souvent publique, comme en 1995, le "Juppéthon", avec deux millions de personnes dans la rue. Le gouvernement est alors contraint de reculer sur les retraites. Alors, vous voyez, à défaut d’avoir, comme prévu, renversé le système capitaliste, j’ai gagné bien des batailles. Mais ce qu’on peut surtout retenir de mon histoire, c’est que je ne me décrète pas. Je ne suis ni prévisible ni calculable, car pour advenir, je dois être nécessairement être portée par un rêve ou une colère générale. 

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