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Lutte anti-terroriste : le Parlement européen sous la pression des Etats

Depuis les attentats de Paris, les Etats européens, notamment la France, exhortent les eurodéputés à adopter le fichier de données des passagers aériens appelé PNR européen. De nouvelles garanties en matière de protection de la vie privée permettraient de débloquer le dossier, d’autant plus qu’une majorité d’eurodéputés y semble désormais favorable.
Article rédigé par Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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Depuis les attentats meurtriers de Paris, qui ont suscité dans toute l’Europe émotion, solidarité et mobilisation unanime contre le terrorisme, le Parlement européen subit une véritable pression des Etats membres, qui lui demandent d’adopter sans plus tarder la proposition législative établissant un PNR (Passenger Name Record) européen. Le registre européen des données des passagers aériens est en effet bloqué depuis 2011 par les eurodéputés, qui exigent des garanties en matière de protection de la vie privée, et notamment l’adoption, au préalable, d’une loi européenne sur la protection des données personnelles dans la collaboration entre justice et police. Or celle-ci est bloquée… par les Etats membres, dont une quinzaine ont déjà mis en place un PNR au niveau national. En France, le dispositif sera opérationnel en septembre 2015, a annoncé Manuel Valls.

"Car nous sommes évidemment pour garantir la sécurité des citoyens ", précise Sylvie Guillaume vice-présidente socialiste du Parlement européen, membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. Mais son adoption doit être liée à certaines conditions et garanties en matière de protection de la vie privée. Elle dénonce l’agitation politicienne et l’argument de l’urgence, "comme si le PNR était l’alpha et l’oméga de la lutte anti-terroriste ".

Arnaud Danjean, eurodéputé UMP et ancien agent de la DGSE, s’élève contre ce qu’il qualifie de "postures idéologiques " et considère comme une erreur de lier les deux législations. Le PNR n’est évidemment pas l’outil miracle pour prévenir tous les attentats, mais c’est une avancée de bon sens. Aujourd’hui les besoins sécuritaires sont tels qu’il est devenu une nécessité et permettra d’échanger les informations à l’échelle européenne "de manière juridiquement codifiée ".

Surveiller l’ensemble des citoyens, sur lesquels ne pèse aucune suspicion, ce n’est pas la conception qu’Eva Joly a de l’Etat de droit

Pour l’eurodéputée verte et ancienne juge d’instruction, les dispositifs légaux sont déjà suffisants, et il ne faut surtout pas, sous le coup de l’émotion, adopter le modèle sécuritaire américain, inefficace et  dangereux. "Je suis contre la surveillance de masse" , explique Eva Joly. Or pour elle le PNR en constitue la première étape, le deuxième stade étant l’enregistrement de tous les échanges dénoncé par Edward Snowden, le troisième la possibilité d’accéder directement à nos ordinateurs : les Américains en ont déjà fait la demande, souligne Eva Joly. "Je vous laisse imaginer une société dans laquelle les services secrets auraient un accès direct à votre ordinateur, à partir des Etats-Unis par exemple" .

La Commission européenne s’est dite prête cette semaine à modifier sa proposition législative sur le registre des passagers aériens pour permettre aux eurodéputés de l’adopter, et veut aider les Etats à lever leur blocage sur la loi sur la protection des données. Elle présentera une stratégie sur la sécurité au mois de mai. D’ici là, la Cour de justice se sera probablement prononcée sur l’accord PNR avec le Canada, que les eurodéputés ont mis en stand-by en attendant son avis, en sachant que le Parlement européen a déjà donné en 2012 son feu vert à l’accord PNR avec les Etats-Unis.

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