"Sauvegarde de l'Etat de droit" en Pologne : l'UE et Varsovie dialoguent
Ce sentiment, partagé par un grand nombre d'eurodéputés, illustre bien leur inquiétude, leur malaise et parfois leur désarroi, depuis que le nouveau gouvernement polonais, issu du parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczynski, multiplie les mesures controversées. A tel point que les réformes dans le domaine de la justice et des médias ont poussé la Commission européenne à lancer contre le pays une procédure tout-à-fait inédite de "sauvegarde de l’État de droit". Engagée "à titre préventif, dans un esprit de dialogue constructif, elle vise à éviter que naisse une menace systémique sur la démocratie en Pologne ", a souligné devant le Parlement européen le premier vice-président de la Commission Frans Timmermans. "L'Union européenne n'est pas qu'un marché, ce sont aussi des valeurs fondamentales que chaque État membre s'est engagé à respecter. L’État de droit et le pluralisme des médias sont intangibles ", ont rappelé la Commission, la présidence de l'Union et les eurodéputés à la première ministre polonaise, Beata Szydlo, qui s'est invitée au débat dans l'hémicycle strasbourgeois, comme le faisait Viktor Orban."Je suis venue ici parce que j'ai un grand sens des responsabilités, mais j'ai vraiment un sentiment d'injustice. La Pologne est un pays démocratique, ces critiques relèvent de malentendus. Ces débats sont dégradants, ils n'ont pas de sens ", s'est indignée Beata Szydlo. Et même d'expliquer que, tant sur la réforme de la Cour constitutionnelle que sur la nomination des directeurs de chaînes publiques, son gouvernement voulait rectifier les erreurs de ses prédécesseurs et aller encore plus loin dans le sens de la démocratie et du pluralisme que bien d'autres pays européens !
Et surtout "que dans les décisions qui concernent les affaires internes de notre pays, nous aurons la garantie que notre souveraineté sera respectée ". Avant d'inviter les dirigeants européens à attendre l'avis que la Commission de Venise, à laquelle Varsovie a transmis les deux lois litigieuses, rendra les 11 et 12 mars. Cet organe du Conseil de l'Europe, compétent pour la "démocratie par le droit", fait autorité auprès des États et des institutions européennes. Après les vifs échanges de ces dernières semaines, le ton était à l'apaisement cette semaine, aussi bien du côté des autorités polonaises que des dirigeants européens. Manfred Weber, président allemand du groupe démocrate-chrétien au Parlement européen, a même renoncé à prendre la parole pour ne pas attiser le ressentiment anti-germanique, qui s'est exprimé par la publication d'un photo-montage représentant Angela Merkel et des dirigeants européens en uniforme du IIIe Reich, sous le titre "Ils veulent de nouveau surveiller la Pologne ". "Regarde UE: la démocratie polonaise se porte bien " pouvait-on lire sur les banderoles d'une centaine de manifestants pro-gouvernementaux, qui avaient fait le déplacement en autocar de Varsovie et de Cracovie pour soutenir leur première ministre. Les opposants s'étaient eux aussi déplacés à Strasbourg pour dénoncer les "actes anti-démocratiques " d'un "pouvoir aux tendances autoritaires ".
Perplexité des eurodéputés
En attendant les eurodéputés restent perplexes : Comment la Pologne, cet élève modèle, que le président de la délégation française du PPE Alain Lamassoure décrit comme la "success story" de l'Union, l'une de ses économies les plus dynamiques, qui bénéficie de la manne financière la plus importante, et qui s'en sert bien ", a-t-il pu voter majoritairement pour un parti ultraconservateur, eurosceptique et aux dérives inquiétantes, qui mettent aujourd'hui à mal les principes européens fondamentaux ?
Parce qu'elle n'a pas encore réussi à faire profiter tout le monde de ce succès économique, explique l'eurodéputé allemand Andreas Schwab, également membre du PPE, Il n'est pas le seul à s’inquiéter du "divorce", de la fracture profonde qui divise aujourd'hui la société polonaise. Le défi étant pour l'Union européenne de l'aider à la surmonter.
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