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En Italie, rencontre avec Cristina Cattaneo, qui veut rendre son nom à chaque migrant noyé

En Italie, le livre de ce médecin légiste connait un grand succès. Il relate son combat pour que des milliers de migrants ne restent pas anonymes dans la mort.   

Article rédigé par franceinfo - Franceline Beretti
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Cristina Cattaneo, chercheuse dans le laboratoire de médecine légale d'une université à Milan, ici le 5 novembre 2015. (MARCELLO PATERNOSTRO / AFP)

En Italie, Cristina Cattaneo, chercheuse dans le laboratoire de médecine légale d'une université de Milan, tente d'identifier les personnes migrantes mortes en Méditerranée. Son livre relate son combat mené depuis plusieurs années.

Une "discrimination" dans la disparition 

Cristina Cattaneo raconte son cheminement pour donner un nom aux cadavres récupérés dans le sud de l'Italie, mais sans jamais donner de leçons. Elle a le regard d'une scientifique qui cherche juste à faire son travail, donc d'identifier les morts, peu importe que ces personnes soient des Italiens ou des Africains. 
Cristina Cattaneo ne parle pas seulement de technique. Elle mélange des considérations scientifiques et des histoires bouleversantes. Elle le fait pour les vivants, pour les familles, les amis. Tout simplement, elle ne voit pas pourquoi ces migrants ne seraient pas des morts comme les autres. "Il y a un niveau de discrimination que je n'avais jamais observé avant. On parle de dizaines de milliers d'individus enterrés pour la plupart anonymement et personne n'a levé le petit doigt pour dire qu'il faut leur donner un nom", explique la légiste.

Là, on ne parle pas seulement des morts. On parle du droit des vivants qui sont derrière, et qui n'ont même pas la certitude que leurs proches sont décédés. C'est tellement énorme...

Cristina Cattaneo

à franceinfo

Ce qui est touchant, c'est qu'elle donne un visage aux victimes. En entendant parler des naufrages, nombreux sont ceux qui ont l'image de sacs mortuaires alignés sur le quai d'un port sicilien. Là, on voit des sourires, des coupes de cheveux, des façons de s'habiller. Ce qui renvoie à des personnes, avec pour chacune, un parcours et une raison de partir.

Des histoires reconstituées

Il y a ce que confient les familles qui cherchent un proche. Et aussi toutes les affaires récupérées sur ces morts. Elles sont archivées dans de petits sacs en plastique. Cristina Cattaneo les passe en revue. "Il y a des téléphones portables. Ça, c'est une rose en plastique avec un bracelet et un billet d'un dollar américain. Là, on a une brosse à dents, du dentifrice et, je crois, un rosaire musulman. Et là, montre-t-elle, ce sont les plus parlants, les fameux sacs de terre." 

De petits sacs avec la terre du pays, des photos de familles, des cartes de bibliothèque ou même de donneur de sang. Ces objets racontent des histoires qui pourraient être les nôtres. Et c'est la raison du succès de ce livre : il supprime la distance qui nous fait dire que "c'est tragique, mais ces personnes ont des vies si différentes". Avec cette approche, on s'identifie... et on n'oublie plus ces morts.

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