En Suisse, les personnes transgenres ou intersexes peuvent désormais changer de genre à l'état civil sur simple déclaration

Changer de genre en dix minutes à peine, sans avoir à présenter de dossier médical ou se justifier devant un tribunal, depuis le 1er janvier c'est désormais possible en Suisse. C'était déjà possible avant, mais la nouvelle loi est vécue comme une petite révolution par la communauté trans.

C'est comme ça en tout cas que le ressens Daphné Villet. C'est l'une des premières Suissesses à avoir bénéficié de ce changement de genre facilité à l'état civil. Daphné, c'est le prénom qu'elle utilise depuis trois ans maintenant. Mais depuis cette semaine, c'est également celui que retiendra l'administration suisse. "Je suis allée à l'état civil de la ville de Genève, j'avais rendez-vous à 9 heures, explique-t-elle. Simplement remplir le formulaire, vérifier qu'il était juste, et c'était tout simplement fini. Ça a duré dix minutes, un quart d'heure, pas plus."

Bien plus qu'un acte administratif, une renaissance

La procédure est extrêmement simple : il suffit de remplir un formulaire et de payer 75 francs suisses, soit environ 72 euros. Un coup de tampon à l'état civil et ça y est. En deux semaines, vous pouvez recevoir vos nouveaux papiers d'identité avec le genre que vous avez choisi.

Mais c'est bien plus qu'un acte administratif pour Daphné qui n'a pas fermé l'oeil de la nuit avant son rendez-vous en mairie. "Le quotidien d'une personne trans, quand on n'a pas changé d'état civil, est compliqué avec les administrations, confie Daphné. D'autant plus là avec la période Covid, avec les certificats, les pièces d'identité qui ne sont pas à jour, c'est très compliqué quand on doit se déclarer, quand on rentre dans un établissement."

"Il y a vraiment un grand symbole de renaissance grâce à cette démarche."

Daphné

à franceinfo

La nouvelle loi ne change rien en revanche aux règles de filiation. Si vous êtes marié, vous le restez. Et si comme Daphné, vous avez déjà des enfants, vous restez leur père ou leur mère. Les enfants de Daphné l'appellent d'ailleurs papa. Pour la plus grande joie de Daphné.

Une procédure auparavant longue et stressante

On estime qu'il y au moins 100 à 200 personnes qui ont ou qui vont changer de genre en Suisse. Surtout que jusqu'à présent, la procédure était longue – souvent plusieurs mois – et intimidante. "Passer devant un juge, c'est quand même quelque chose d'extrêmement stressant, explique Lynn Bertholet, présidente de l'association Epicène, qui promeut l'égalité pour les transgenres. Quand vous êtes derrière la porte du tribunal puis que vous arrivez, le juge siège au-dessus de vous, il y a toute une symbolique du pouvoir qui est très stressante et qui n'existe plus dans la relation avec l'officier de l'état civil. Il peut éventuellement, s'il a des doutes, demander des documents complémentaires, mais il ne peut pas dire non."

Il y a quand même des garde-fous. Les mineurs de moins de 16 ans devront obtenir l'accord de leurs parents. On ne pourra pas non plus, a priori, changer de genre à de multiples reprises. La loi ne crée pas non plus de genre neutre... Ce qui est peut être le prochain combat de la communauté trans. "Une personne peut changer de genre mais elle peut aussi se définir comme non binaire, ce qui n'empêche pas des gens de se sentir parfaitement homme ou femme, comme Daphné et moi nous nous sentons parfaitement femme, poursuit Lynn Bertholet. C'est une liberté en plus, ce n'est pas une restriction des libertés à d'autres personnes."

En ce qui concerne Daphné, elle n'en a pas tout a fait fini avec les formalités administratives. Puisqu'elle est aussi française. Et qu'il va falloir maintenant faire valider son changement de sexe auprès des autorités de son pays d'origine.