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Corse : "autonomie", le mot qui change les choses

La Corse est confrontée à une flambée de violences depuis l’agression en prison d’Yvan Colonna. Le ministre de l’Intérieur est en déplacement sur l’île, mercredi et jeudi, après avoir marqué les esprits par une entretien donné au quotidien "Corse-Matin" où il s'est épanché sur une potentielle autonomie.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Gérald Darmanin et Gilles Simeoni en réunion de travail avec les acteurs politiques et économiques corses, le 16 mars 2022.  (FLORENT SELVINI / MAXPPP)

C’est un tabou politique qui vient de sauter. Voilà près cinq ans que le président de l’exécutif corse, Gille Simeoni, plaidait auprès d’Emmanuel Macron pour obtenir l’ouverture de négociations sur l’autonomie de la Corse. En vain. Face aux violences qui secouent l’île depuis plusieurs jours, le gouvernement a décidé de franchir le cap et d’ouvrir des discussions. Une porte ouverte par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin dans les colonnes de Corse-Matin.

Était-ce l’unique solution pour ramener le calme sur l’île ? Ou bien faut-il y voir aussi un geste électoraliste, pour tenter de s’assurer le vote corse ? La question est posée. Ce qui est sûr, c’est que l’emploi de ce mot "autonomie" est une nouveauté. Néanmoins, les discussions promettent d’être longues. Et c’est d’ailleurs l’argument avancé par Gérald Darmanin lui-même pour tenter de relativiser sa prise de position : il était ce mercredi 16 mars l’invité d’Apolline de Malherbe, sur BFMTV. "D'abord, j'ai dit 'jusqu'à l'autonomie', c'est à dire qu'à mon avis, il y a aussi d'autres étapes possibles, a débuté le ministre de l'Intérieur. Et ce n'est pas encore la conclusion de nos discussions qui vont être forcément longues, forcément difficiles. On n'est pas là pour conclure le dialogue avant de le commencer et ça ne se fera pas en deux jours. Peut-être qu'on ne se mettra pas d'accord, mais nous ouvrons ce dialogue."

Nous n’en serions donc encore qu’au début des discussions, rien ne serait acté. Bref, selon Gérald Darmanin, nul besoin d’en faire tout un plat. Les choses sont tout de même un peu plus compliquées que cela. Car il existe une règle fondamentale, en rhétorique : poser la question, c’est accepter que la question se pose. En annonçant qu’il accepte de discuter des modalités d’une autonomie de la Corse, Gérald Darmanin concède que le gouvernement n’y est plus hostile sur le principe.

La boîte de Pandore est ouverte

Or, nous sommes, faut-il le rappeler, à moins d’un mois d’une élection présidentielle qu’Emmanuel Macron n’est pas assuré de remporter. Cela aurait dû imposer, me semble-t-il, d’éviter autant que possible de prendre des décisions par lesquelles une prochaine majorité pourrait se retrouver engagée, malgré sa réprobation.

D'un point de vue formel, le gouvernement n’a encore pris aucune décision, mais il existe certains mots dont la puissance symbolique est telle, que le simple fait de les prononcer contribue déjà à modifier la réalité. "Autonomie de la Corse" est de ceux-là. Maintenant que le mot a été assumé par le gouvernement français, il sera très difficile – pas impossible, mais très difficile – de ne pas consentir au moins l’ouverture de discussions. La boîte de Pandore a été ouverte. Le dentifrice est sorti du tube. Un mot a suffi à, déjà, changer les choses.

Et à partir de là, personne ne peut prévoir à quoi le processus va aboutir. L’autonomie de la Corse vient de faire irruption dans le champ des possibles. Pour le meilleur ou pour le pire : je laisse à chacun le soin d’en juger. En revanche, il aurait peut-être appartenu au prochain président ou à la prochaine présidente d’en décider.

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