Élection présidentielle 2022 : les mots flous d'Anne Hidalgo
Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé dimanche 12 septembre à Rouen qu'elle était candidate à l’élection présidentielle 2022. Dans son discours, il y avait bien sûr des attendus. Le premier d’entre eux consiste à expliquer les raisons de sa candidature : Anne Hidalgo vante son expérience politique, évoque ses origines populaires, déclare porter la voix d’une équipe. Mais elle explique également vouloir "mettre fin au mépris [de l'actuel gouvernement], à l'arrogance, au dédain, à la condescendance de ceux qui connaissent si mal nos vies, mais décident loin de nous, de tout, tout le temps, sans nous". C’est assez habile de sa part. Par cette première personne du pluriel, elle s’inclue dans le peuple et s’affirme comme une élue de terrain, qu’elle est effectivement. Mais derrière, il y a une stratégie politique qui vise à mettre à distance son image de grande édile parisienne, qu’elle est également.
Une attaque directe contre Emmanuel Macron
C’est fondamental pour Anne Hidalgo, car cela lui permet de mettre en avant un contraste avec le gouvernement, de se poser en s’opposant. Et pour accentuer ce contraste, elle se réclame d’une valeur cardinale : le respect. Pour cela la candidate a utilisé cette anaphore : "Le respect de notre planète, de la nature et du vivant, le respect absolu de la dignité humaine, le respect pour ces femmes dont les droits sont niés, pour ces Françaises et Français dont les parents sont venus d'ailleurs, pour celles et ceux qu'on a appelés les premiers de corvée, pour ces soignants, ces médecins, ces scientifiques, pour ces patrons de PME, ces agriculteurs, ces artisans, le respect de la laïcité et de la démocratie, le respect du dialogue et de la parole donnée."
En rhétorique, c’est intéressant. C’est ce que l’on appelle un concept mobilisateur, c’est-à-dire un mot creux, flou, vide de sens, tout en étant connoté positivement. Du point de vue des hommes et femmes politiques, il s’agit donc d’un outil très pratique qui permet de ne pas dire grand chose, tout en mettant tout le monde d’accord avec soi. D’ailleurs, pour en avoir le cœur net, il suffit de se demander s’il serait possible, raisonnablement, de revendiquer l’inverse. Pourrait-on se réclamer de l’irrespect, du mépris ou de la suffisance ? La réponse est évidemment non. Quand Anne Hidalgo fait une longue énumération de tout ce qui, selon elle, mérite le respect, elle fait plaisir à tout le monde, mais sur le fond, elle ne dit rien à personne.
Un langage typique des campagnes électorales
"Le changement" de François Hollande, "la bienveillance" d’Emmanuel Macron, "la remontada" d’Arnaud Montebourg,... Il est fréquent que les candidats se choisissent un mot totem, qui les singularise et qui devient leur outil de communication. Mais dans le cas d’Anne Hidalgo, cela va plus loin. Dans son discours tout était structuré autour ce type de concept : "Un projet qui mettra résolument le pays sur la voie de la réconciliation, de l'apaisement, de la sécurité, de la justice sociale et aussi de la justice climatique. La force de l'engagement, la volonté du rassemblement, sauver la planète, construire une République forte et juste, une France plus sûre, retrouver le goût du dialogue et du débat... On peut changer la vie, on peut changer le monde."
C’est festival : un projet de réconciliation et d’apaisement, par opposition à ceux qui prônent la discorde, j’imagine ? Une République forte et juste, par contraste avec ceux qui veulent une République faible et injuste, sans doute ? Changer la vie et le monde, au contraire de ceux qui aiment le statu quo ?
Des mots très enthousiasmants, mais pas l’ombre d’une véritable proposition politique
Certes, il y a un petit effet de montage dans cette citation, mais tout le discours était saturé de ces concepts mobilisateurs. Encore une fois, la campagne présidentielle n'en est qu'à ses débuts. Il est compréhensible qu’Anne Hidalgo n’ait pas encore structuré tout son programme et il est normal, en temps de campagne, de voir fleurir ce type de mots. Mais se présenter à la présidentielle, c’est aussi dire, clairement, quelle vision on a pour le pays. On aurait pu légitimement attendre d’Anne Hidalgo qu’elle annonce au moins les fondements de son projet, en prenant le risque de plaire… et de déplaire.
Au fond, la politique, ce n’est rien d’autre que la sphère au sein de laquelle, en tant que société, nous arbitrons collectivement nos conflits. Un discours avec lequel tout le monde peut être d’accord, c’est par définition un discours qui ne dit rien. Il peut nous séduire. Mais il n’est pas évident qu’il doive… nous convaincre.
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