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Le Salon de l'agriculture, rendez-vous populaire et politique

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 26 février : l'inoxydable popularité du Salon de l'agriculture... notamment chez les hommes politiques.
Article rédigé par franceinfo, Clément Viktorovitch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président Emmanuel Macron lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture, le 25 février 2023 à Paris (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

L’une des actualités de ce week-end, c’est bien sûr l’ouverture du Salon de l’agriculture, à Paris. L’occasion de se demander pour quelles raisons, au fond, ce salon nous intéresse-t-il tant  ?

C'est un sujet incontournable. Des journalistes de toutes les rédactions y vont, les antennes s’en font le relais. Pourtant, quand on y réfléchit, il y a chaque année des dizaines de salons qui se déroulent porte de Versailles. Comment expliquer que celui-ci, en particulier, retienne tant notre attention ? La réponse simple, ce serait de dire : si la presse en parle, c’est parce que les politiques s’y pressent. C’est en partie vrai, sauf qu’une fois qu’on a dit ça, on n’a rien dit du tout : il nous reste encore à expliquer pourquoi, parmi tous les salons, c’est celui-ci qui est devenu un rendez-vous politique incontournable.

Il y a à cela plusieurs raisons, en réalité. Tout d’abord, la plus évidente : ce salon, pour les responsables politiques, c’est l’opportunité d’émettre de l’image à peu de frais. Ils ingurgitent à grande bouchées toutes les spécialités culinaires qui leurs sont proposées, boivent à grandes gorgées les verres qui leurs sont tendus. Et en faisant cela, ils donnent aux Français l’impression d’avoir d’avoir rompu le pain avec eux. Dans un pays comme le nôtre, où le lien social passe notamment par l’art de la table, cela n’a rien d’anecdotique. Il y a aussi le défilé des animaux qu’il faut flatter, porter, câliner. Les animaux, éternels symboles d’innocence et de pureté. Là encore, ces images fonctionnent, elles rendent sympathique.

Du moins, elles peuvent rendre sympathiques ceux qui arrivent à paraître authentiques. De ce point de vue, on a tous en tête le contraste entre le président Chirac, qui était dans ce salon comme un poisson dans l’eau, et son successeur Nicolas Sarkozy, mal à l’aise, tendu, qui avait lâché au Salon de l’Agriculture son fameux "Casse-toi, pauv’ con". Dans un cas comme dans l’autre, les images sont restées ancrées dans la mémoire de la Ve République. Pour les politiques, l’enjeu de réputation est immense.

Montrer un lien avec le monde rural

L'autre trait que cet événement permet de mettre en avant et qui, lui, est tout à fait spécifique, c'est le lien avec la France rurale. En échangeant avec les agriculteurs et les éleveurs, en montrant qu’ils connaissent le sujet, qu’ils sont capables de poser les bonnes questions, les responsables politiques font la démonstration de leur lien avec le monde agricole. C’est aussi pour cela qu’il existe une compétition à celui ou celle qui restera le plus longtemps dans les allées du salon – la palme revenant pour l’instant à Emmanuel Macron, avec 14h et 30mn de déambulation en 2019. Plus ils passent de temps avec les agriculteurs, plus ils espèrent les convaincre de l’intérêt qu’ils leurs portent.

Les exploitants agricoles ne représentent pourtant pas un si grand électorat : quelques centaines de milliers de personnes. Mais on peut apporter une nuance. Les sociologues Bertrand Hervieu et François Purseigle ont calculé que, si on ajoute les familles et les emplois induits par l’industrie agro-alimentaire, on arrive à 17% des inscrits. Ce n’est pas suffisant pour gagner une élection… mais c’est assez pour la perdre. Et puis, surtout, à travers le monde agricole, les politiques cherchent en réalité à toucher une sphère beaucoup plus vaste : celle du monde rural, où les habitants sont nombreux à avoir des agriculteurs dans leur généalogie, et où les organisations professionnelles de la paysannerie restent très présentes. Pour les politiques, faire une démonstration de proximité avec les agriculteurs, c’est le meilleur moyen de s’adresser à la France éternelle des champs, des villages et des clochers.

Opération de communication

Pour les responsables politiques qui s’y rendent, particulièrement en période de campagne, c'est un enjeu de communication, sans aucun doute. Mais ce qui se joue dans ce salon, c’est plus grand que cela. En France, les agriculteurs sont de moins en moins nombreux. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 1,5% des personnes en emploi. Il y a 40 ans, c’était cinq fois plus. Et pourtant, ils continuent de nourrir une grande part de la population française.

Les agriculteurs ne nous ramènent pas seulement à notre histoire : ils nous rappellent que la satisfaction de nos besoins les plus fondamentaux ne va pas de soi. Que pour manger des pâtes, il faut quelqu’un pour faire pousser du blé. Dans notre société de surproduction et de surtransformation, cette évidence a depuis longtemps cessé d’être évidente pour tout le monde. Le Salon de l’agriculture a le mérite de nous le rappeler.

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