Législatives 2022 : l’Union populaire face à ses critiques
L’alliance des partis de gauche, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale est sous le feu des critiques, qu’elles viennent du Rassemblement national ou du camp présidentiel. Une stratégie très agressive qui pourrait se révéler efficace.
Branle-bas de combat, tous sur le pont et feu à volonté contre la Nouvelle union populaire ! Depuis quelques jours, l’alliance de gauche est manifestement devenue l’ennemi à abattre pour ses adversaires, qui n’hésitent pas, en effet, à mobiliser les procédés les plus virulents pour la disqualifier. Commençons avec le Rassemblement national. Mercredi 11 mai, Marine Le Pen était au micro de RTL. Et c’est encore elle, qui fait preuve de la plus grande modération. "J'ai vu une escroquerie politique se monter avec la Nupes, affirme Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon ne sera jamais Premier ministre, en revanche si un certain nombre de Français votent pour lui, il peut transformer l'Assemblée nationale en ZAD [Zone à défendre]. C'est à dire avec les défenseurs des black blocs, les défenseurs du burkini à la piscine, ceux qui veulent désarmer la police, ceux qui veulent ouvrir les prisons parce que la prison c'est pas gentil, etc. Transformer l'Assemblée en ZAD"
Des procédés de disqualification
La Nupes serait une "escroquerie politique", c’est une pure invective. Jean-Luc Mélenchon ne sera "jamais Premier ministre", c’est de la rhétorique de l’incantation. Marine Le Pen présente le futur comme déjà écrit, dans l’espoir de créer une prophétie auto-réalisatrice et de démotiver les électeurs de gauche. L’Assemblée nationale "transformée en ZAD" , c’est une métaphore dépréciative, une association élaborée pour être dégradante. Quant à la longue énumération finale, c’est une stratégie de l’homme de paille, qui consiste à exagérer volontairement la position de l’adversaire pour tenter de la ridiculiser. La gauche voudrait "ouvrir les prisons" parce qu’elles ne sont pas gentilles. Voilà quelques-uns des procédés de disqualification mobilisés par Marine Le Pen.
Il s'agit des attaques les plus mesurées parce qu'au même moment, Jordan Bardella le président du Rassemblement national sur BFMTV est allé un cran plus loin. "Je pense qu'il est un agitateur et en réalité moi cette alliance, elle me fait peur, déclare le président du RN. Elle me fait peur parce que sur le fond, c'est une ZAD de toutes les idéologies les plus dangereuses pour notre pays, les communautaristes, les islamogauchistes. Je pense que ce que cherche au fond Jean-Luc Mélenchon, c'est la destruction de l'État. Monsieur Mélenchon, lui, veut transformer la France en un gigantesque squat et la livrer aux prédateurs d'en bas."
C’est moins modéré. On retrouve la métaphore de la ZAD, agrémentée d’une autre analogie toute aussi péjorative : transformer la "France en squat". On a de la disqualification personnelle. Jean-Luc Mélenchon serait un "agitateur". Mais on a surtout une brochette de mots épouvantails, ces concepts flous, mal définis, voire indéfinissables, qui associent l’adversaire à un imaginaire déprécié : "Le communautarisme et l’islamogauchisme". Et pour finir, cette phrase définitive, Jean-Luc Mélenchon souhaite "la destruction de l’État". Alors, pourquoi pas, mais sur le fondement de quel argument ? Nous n’en saurons jamais rien…
Des attaques au-delà du RN
Le Rassemblement national n'est pas le seul à avoir émis des critiques. L’entourage du président de la République concentre depuis plusieurs jours ses attaques contre l’Union populaire, et pas seulement l’entourage d’ailleurs. Le Président lui-même, mardi, devant ses troupes, a déclaré que les partis de gauche avaient "choisi le communautarisme". Un mot qui peut surprendre. D’une part, il est presque toujours utilisé sans être défini. D’autre part, parce qu’il reprend littéralement le lexique du RN, contre lequel Emmanuel Macron prétendait incarner une digue. Et enfin parce que, durant l’entre-deux tours, les porte-paroles d’En Marche prétendaient avoir des "valeurs en commun" avec les électeurs insoumis. Il faut croire que les valeurs changent au gré des élections.
Ces attaques seront-elles efficaces ? C’est possible. Elles sont susceptibles d’activer deux principes psychologiques contradictoires, mais qui ne s’appliquent pas aux mêmes publics. En ce qui concerne les militants et les sympathisants de l’Union populaire, ces attaques ne feront probablement qu’une chose : renforcer leur détermination à défendre leurs opinions. C’est ce que l’on appelle le principe de réactance. Plus nous sentons une pression s’exercer sur nous, et plus nous avons tendance à résister pour conserver notre liberté. Mais les autres ? Tous les électeurs hésitants, qui n’ont pas encore arrêté leur choix, et sont donc peu susceptible d’entrer en réactance ? Eh bien, eux, pourraient être touchés par l’effet de simple exposition. C’est un principe élémentaire, plus nous sommes exposés à une même idée, plus elle nous paraît crédible, et plus nous avons de chance de l’accepter. Et c’est justement tout le problème des campagnes de dénigrement, même si les accusations n’ont aucun fondement, à force d’être répétées, elles finissent par nous paraître vraies.
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