Pierre de Coubertin : les valeurs du sport
Alors que la France a obtenu mardi sa première médaille d'or aux JO de Pékin avec Quentin Fillon-Maillet en biathon, Clément Viktorovitch se penche sur le discours de Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux Olympiques.
Quoi de plus universel, que le sport ! Cette grande communion autour des valeurs de l’effort, du dépassement de soi, de l’excellence mais, aussi, de l’amitié et du respect. Une communion dont les Jeux Olympiques sont, sans doute, le symbole le plus vibrant ! Et pourtant, cela n’a pas toujours été de soi. En m’appuyant sur les travaux de l’historien Patrick Clastres, je me suis en effet penché sur le discours du baron Pierre de Coubertin, qui a fondé le comité international olympique à la fin duXIXe siècle. L’Europe était encore marqué par la guerre franco-allemande de 1870. Et pour Pierre deCoubertin, aucun doute : le sport doit aussi préparer les jeunes gens à se battre. Voilà, par exemple, ce qu’il disait dans un article de 1912 :
"Les sports ont fait fleurir toutes les qualités qui servent à la guerre. Insouciance, belle humeur, accoutumance à l'imprévu, notion exacte de l'effort à faire sans dépenser des forces inutiles. Le jeune sportsman se sent évidemment mieux préparé à partir que ne le furent ses aînés, et quand on se sent préparé à quelque chose, on le fait plus volontiers."
Pierre de Coubertin
"Le jeune sportsman se sent évidemment mieux préparé à partir à la guerre". À la veille de la Première Guerre Mondiale, Pierre de Coubertin estimait que la pratique assidue des sports serait un atout pour la France si un conflit devait éclater. Et d’ailleurs, il n’a pas dévié de cette conviction. Voici ce qu’il écrivait dans une lettre en 1919, au lendemain de la victoire des alliés. "C'est par les sports que la France a pu dressé devant l'invasion un puissant rempart musculaire. Après avoir préparé d'incomparables soldats. L'athlétisme a su encore entretenir leurs ardeurs et consoler leurs souffrances." les choses sont très claires : le sport ne doit pas seulement viser à l’excellence physique, il prépare également à l’excellence militaire.
Permettre la paix, et préparer la guerre
Pour Pierre de Coubertin, le sport reste néanmoins un vecteur de paix. Comme il l'écit dans un texte publié en 1912. L'ôde au sport. "Sport, tu es la paix. Tu établis des rapports heureux entre les gens en les rapprochant dans le culte de la force contrôlée, organisée et maîtresse d'elle-même . Par toi la jeunesse universelle apprend à se respecter, et ainsi la diversité des capacités nationales devient la source d'une pacifique et généreuse émulation."
Le sport permet le rapprochement des peuples dans une pacifique émulation. Vous voyez qu’on est soudain très loin de ses autres déclarations. Il semblerait finalement que Pierre de Coubertin ait été un homme de son temps, marqué tout à la fois par un idéal pacifiste, et par l’esprit de revanche contre l’Allemagne. Une tension que l’on retrouve dans ses écrits, et qui explique que le sport puisse tout à la fois permettre la paix, et préparer la guerre.
Pierre de Coubertin avait donc une approche très politique du sport. À tel point que les vertus politiques du sport engagent, selon lui, une grande pluralité d’enjeux. Je prendrai un seul exemple, mais ô combien significatif. Pour Pierre de Coubertin, le sport devait être un instrument pour asseoir la domination de la France sur les peuples colonisés. Voilà ce qu’il écrivait dans un article de 1912, Les sports et la colonisation. "Les sports sont en sommes un instrument vigoureux de disciplinassions. Ils engendrent toutes sortes de bonnes qualités sociales, d'hygiène, de propreté, d'ordre, de self contrôle. Ne vaut-il pas mieux que les indigènes soient en possession de pareilles qualités et ne seront-ils pas ainsi plus maniables qu'autrement."
Un outil de pacification de la population
"Les peuples colonisés ne seront-ils pas plus maniables grâce au sport". Alors, bien sûr, il faut replacer cette interrogation dans son époque. Au début du XXe siècle, l’immense majorité des notables français étaient favorables à la colonisation, Pierre de Coubertin pas plus qu’un autre. Il n’empêche : pour lui, le sport peut aussi être un outil de pacification de la population.
Les JO n'ont pas toujours été l'événement universel qu'ils sont aujourd'hui. Cet universalisme s’impose peu à peu au cours du XXe siècle mais leur origine, elle, est très politique. Cet universalisme s’impose peu à peu au cours du XXe siècle mais leur origine, elle, est très politique. Et d’ailleurs, quand on y réfléchit, l’universalisme aussi est très politique. C’est Pierre de Coubertin lui-même qui a insisté pour que les Jeux Olympiques procèdent d’une neutralité diplomatique. C’est en partie ce qui a assuré leur succès. Mais cette neutralité n’allait pas de soi, et c’est elle qui a amené les JO à se compromettre avec des régimes oppresseurs. En 1936, les jeux se tenaient à Berlin. Et en 2022, au moment le peuple ouïghour est opprimé par les autorités chinoises, ils se tiennent à Pékin.
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