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Agriculteur en Ukraine : cultiver sous les bombes

Jamais depuis le début de l’invasion russe en février dernier l’exploitation de Florian Garnier, dans l’ouest de l’Ukraine, n’a cessé de fonctionner, malgré les bombardements, les coupures d’électricité ou les pénuries de carburant.

Article rédigé par Emmanuel Langlois
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un tracteur agricole détruit par une mine dans un champ de Jytomyr, dans l'ouest de l'Ukraine.  (FLORIAN GARNIER)

Nous sommes à Jytomyr, à 200 kilomètres à l’ouest de Kiev. Florian Garnier vit en Ukraine depuis près de 14 ans. Ici, il dirige une exploitation agricole de 10.000 hectares, une taille moyenne pour une ferme ukrainienne. Blé, colza, soja, tournesol, maïs, et depuis quelques années, betterave sucrière : le Français alterne les cultures de printemps et d’hiver. Malgré les bombardements et les pénuries de carburant, il a toujours réussi à maintenir l’activité.

"On a une double responsabilité quand on est chef d'entreprise dans le secteur agricole en Ukraine, explique-t-il, c'est d'abord de pouvoir exporter pour que les céréales se retrouvent sur les marchés mondiaux, et on a quasiment aujourd'hui une centaine de salariés.

Avec la guerre et les problèmes économiques, on a cette responsabilité vis à vis de nos salariés de pouvoir continuer à payer les salaires, de continuer l'emploi et de ne pas réduire la voilure."

Fin de récolte sous la neige à Jytomyr, dans l'ouest de l'Ukraine, où "l'hiver est arrivé avec trois semaines d'avance".  (Photo Florian Garnier)

Florian Garnier reconnaît qu’il ne s’attendait pas à ce que la Russie envahisse l’Ukraine en février dernier :

"En bon patron, on a pris les mesures nécessaires, on a fait des stocks de générateurs d'essence en cas de troubles. Mais c'était du raisonnement de gestion d'entreprise, sans être de l'alarmisme par rapport à une guerre qui finalement a éclaté."

Après une accalmie durant l’été, les bombardements ont repris il y a deux mois.

"C'est ce qu'a voulu Poutine et il a réussi. On ne sait plus sur quel pied danser. Le mois d'octobre nous a remis dans le conflit à fond, puisque une à deux fois par semaine, on prend des drones et des roquettes sur la figure dans la ville de Jytomyr."

En Ukraine : "Les problèmes d'électricité se répercutent sur le déchargement des camions au port d’Odessa puisque c'est une ville très ciblée par les bombardements russes."  (Photo Florian Garnier)

Des salariés sur le front 

Depuis le début de l’offensive russe, si l’activité est maintenue sur l’exploitation, Florian Garnier, membre de la Chambre de commerce et d'industrie France Ukraine, doit en revanche se passer d’une partie de ses employés. Ceux qui sont formés militairement, et en âge de le faire, sont appelés à aller combattre sur la ligne de front dans l’Est, au Donbass notamment :

"On a eu des blessés. Les blessés légers ont déjà été envoyés sur le front parce qu'ils n'ont pas les capacités et le luxe de pouvoir former rapidement les nouveaux soldats. Tous nos salariés qui combattent nous disent qu'il y a entre 30 et 50% de leurs bataillons qui sont en pièces."

Un gigantesque cratère provoqué par un bombardement dans un champ de Jytomyr, dans l'ouest de l'Ukraine.  (Photo Florian Garnier)

Cette année, la récolte a pris du retard

Les équipes en sont encore cette semaine à moissonner le maïs, alors que l’hiver est arrivé avec trois semaines d’avance en Ukraine, et que les premières chutes de neige ont surpris tout le monde. Le Français doit composer aussi avec des coupures d’électricité quotidiennes et un manque colossal de trésorerie à cause de la difficulté à exporter ses céréales :

"Ces problèmes d'électricité se répercutent sur le déchargement des camions au port d’Odessa, puisque c'est une ville très ciblée par les bombardements russes. Et les ports ne peuvent pas fonctionner pendant les bombardements parce quand il n'y a pas d'électricité, il n'y a pas moyen de transborder le grain du camion jusqu'à jusque dans les cales du bateau."

Un champ de Jytomyr, dans l'ouest de l'Ukraine, détruit par un incendie après un bombardement.  (Photo Florian Garnier)

Le Français insiste sur l’incroyable résilience des Ukrainiens et fait tout, coûte que coûte, pour maintenir son activité et payer les salaires de sa centaine d’employés. Dans le secteur agricole, avec un optimisme mesuré, il y a plus de signaux au vert qu’au rouge, dit-il.

"En bon patron, on a pris les mesures nécessaires, on a fait des stocks de générateurs d'essence en cas de troubles."  (Photo Florian Garnier)

Aller plus loin 

La Chambre de commerce et d'industrie France Ukraine

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