Cet article date de plus de treize ans.

Le Maghreb des colonies : les lycées français du soleil

Article rédigé par Emmanuel Langlois
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
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Un petit jeu, d'abord : quel est le point commun entre Claudia Cardinale, Bertrand Delanoë, Philippe Seguin ou Alexandre Arcady ? La réponse, elle est de l'autre côté de la Méditerranée, dans le souvenir de ces "lycées français du soleil" comme les appelle Effy Tsélikas dans son livre coécrit avec Lina Hayoun aux éditions Autrement. Tunisie, Algérie, Maroc : combien sont-ils à y avoir user leurs fonds de culotte sur ces bancs baignés de soleil ? Combien ont posé sur la photo de classe sur fond de mer turquoise, de palmiers, et de bougainvilliers ? Un Français sur trois aurait des attaches en Afrique du Nord. Effy, élève au lycée Carnot de Tunis dans les années 70, est allée à la rencontre d'autres anciens. Comme Claudia Cardinale, qui n'oublie jamais que c'est à Tunis qu'est née sa carrière à Hollywood. " Elle est chopée, c'est le cas de le dire, vraiment à la sortie du lycée, par un metteur en scène qui passe par là avec Omar Sharif. Il voit cette jeune adolescente et tout de suite, ils vont voir la directrice du lycée, ils demandent à la prendre comme jeune actrice et le pére refuse, parce que c'est un vrai père sicilien. Et finalement, quand même, elle arrivera à ses fins. " Ces lycées du Maghreb, c'est un siècle et demi de notre histoire, l'avant et l'après de la colonisation. " Avant, ils avaient des noms d'orientalistes, ou souvent de généraux, de grands conquérants de cette Afrique du Nord. A l'indépendance, ils ont pris des noms plus consensuels comme Marie Curie, Victor Hugo ou Pasteur. " Ils sont devenus chefs d'Etat, d'un côté et de l'autre de la Méditerranée, réalisateur, acteur à succès, et ont gardé entre eux ce lien ténu, invisible, avec en partage ces madeleines épicées des goûters des cours ensoleillées. " Des kokas, par exemple, c'étaient des chaussons avec du poivron et de l'harissa, du piment. On jouait avec le noyaux d'abricots à une espèce de jeu d'osselets. Et c'est vrai que c'est que là-bas qu'on trouvait ces jeux-là, et dès qu'on rencontre quelqu'un et qu'on parle de ces madeleines, ça fait tilt ! " Effy le regrette, ces lycées français, devenus payants dans les années 80, ne sont plus aujourd'hui réservés qu'à l'élite, aux notables du pays. On est bien loin des idées populaires des débuts.

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Lieu de séduction intellectuelle et de plaisir partagés à l’âge de l’adolescence, les lycées français du soleil ont connu un destin et une ferveur exceptionnels. On y dispensait le savoir avec l’excellence comme devise, on y brassait les identités, les parcours, les langues avec enthousiasme, on y cultivait l’amitié y compris lorsque, tout alentours, la puissance coloniale commençait à rendre l’âme. Aujourd’hui, les plaies les plus à vif de ce passé ont cicatrisé et, des deux côtés de la Méditerranée, on se souvient de ces lieux d’étude, pourtant fort peu étudiés, qui éclairent sous un angle formidablement neuf et positif cette époque tourmentée. Interroger cette éducation particulière, c’est aussi proposer des pistes de réponses aux défis d’aujourd’hui, quand laïcité et culture commune sont des notions qui vacillent. C’est aussi retrouver parmi ces anciens élèves, nombre de ceux qui font aujourd’hui la politique et la culture, preuve s’il en est, de la qualité de ce qui s’est joué, sous le soleil de la Méditerranée, dans ces lycées atypiques de Tunis, Sousse, Alger, Oran, Rabat et Casablanca…

Les anciens des lycées français du Maroc

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