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La théorie du genre en question

Pourquoi aujourd'hui, parler de "genre" plutôt que de "sexe" ? Existe-t-il vraiment une théorie du genre ? Quelles en sont les limites ? Qu'est-ce que le débat actuel sur ce thème nous dit du rapport de la gauche aux questions de société ? L'analyse de Frédéric Martel.
Article rédigé par Frédéric Martel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
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**La théorie
du genre, c'est quoi ?

**

La théorie
du genre n'existe pas en tant que telle. En réalité, ce serait une
invention. On parle plutôt d'études de genre, les gender studies ,
une somme de travaux divers et contradictoires, qui sont loin d'être
homogènes et qui suscitent d'ailleurs beaucoup de débats entre eux. Mais il y a
bien des professeurs de gender theory , en particulier aux Etats-Unis,
comme Judith Butler ou Joan Scott, peut-être les plus connues
aujourd'hui. Mais, on l'oublie souvent, les auteurs les plus cités
sur cette question sont également français : Michel Foucault, avec son
Histoire de la sexualité , Julia Kristeva, Monique Wittig, qui se veut "lesbienne radicale" et, bien sûr,
la plus connue, Simone de Beauvoir, avec sa fameuse phrase du
Deuxième sexe , "on ne nait pas femme, on le devient".

Alors il y a
évidemment une dimension biologique, qui définit le sexe –
personne ne le conteste –, mais il y a aussi, en plus, une dimension sociale.
Et c'est là où les études de genre viennent compléter le débat.
Le genre serait également une construction sociale. En gros,
pour simplifier, rien ne doit prédestiner une petite fille habillée
de rose à devenir femme de ménage ou à rester femme au foyer, ou un
petit garçon habillé de bleu à devenir pompier ou chirurgien.

Quel est
alors l'intérêt de parler de "genre" au lieu de
sexe, quels sont les objectifs recherchés par les militants, et leurs
limites ?

La théorie du genre est
riche, utile, et en fait souvent positive. Si l'on sort des polémiques
et des caricatures, elle permet de transmettre une culture de
l'égalité : le sexe ne doit pas décider de notre condition
sociale. Cela permet de lutter contre les stéréotypes et les
inégalités sociales entre les hommes et les femmes, et d'expérimenter
des méthodes nouvelles pour lutter contre ces discriminations.

Mais il y a aussi des
limites. La question du genre devient parfois une idéologie, avec
ses radicaux, qui prônent une indifférenciation des sexes. C'est
aussi une sorte de "catéchisme" porté par une partie de
l'ultra-gauche. Le mouvement s'est d'ailleurs un peu essoufflé sur
les campus américains, à force d'être trop sectaire et
dogmatique.

Beaucoup de critiques viennent aussi des homosexuels eux-mêmes : la plupart des
gays sont des hommes et le revendiquent, la plupart des lesbiennes
sont des femmes et le revendiquent aussi. L'altérité sexuelle
homme-femme demeure, et ce n'est pas forcément un problème.

Ce
débat montre aussi que la gauche n'est pas très à l'aise avec les problèmes
de société, elle est, elle-même, très divisée sur le sujet, et le pays
est finalement assez polarisé sur cette question.

Oui, c'est un contexte
d'ensemble. On voit bien que François Hollande et le gouvernement
ont des difficultés sur les questions de société depuis le Mariage
pour tous, la PMA et la GPA, mais aussi sur les questions relatives à
l'avortement ou encore la fin de vie, à nouveau dans l'actualité
avec l'affaire Vincent Lambert, ou l'égalité homme-femme. Ce sont
des sujets très clivants, qu'il faut peut-être manier avec plus de
prudence. C'est d'ailleurs ce que souhaite sans doute François
Hollande. Et Manuel Valls déclare ce matin, dans les colonnes du
Journal du Dimanche : "Nous devons veiller sur d'autres débats, à les
conduire dans le respect des consciences, avec la volonté
d'apaisement, c'est le souhait profond du président de la
République
".

Derrière
l'introduction à l'école de la théorie du genre, il y a la
porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, également ministre des Droits des femmes, que l'on
retrouve depuis presque deux ans, derrière tous ces sujets clivants
sur les problèmes de société ?

Tous ces sujets sont
portés par la ministre, en effet, Najat Vallaud-Belkacem, et qui est au fond une énigme. Elle incarne le renouveau politique ; elle est un nouveau visage, elle a une bonne popularité. Elle est née au Maroc, possède la double nationalité.
Elle représente donc une nouvelle France, jeune, moderne, issue de
l'immigration. Mais en même temps, elle est très radicale sur tous
ces sujets et parfois très clivante.

Le risque, pour elle, est que cette
ministre-symbole, l'atout même du début du quinquennat de François
Hollande, devienne un poids, parce qu'elle est un peu trop clivante. Et au fond elle a le choix
entre évoluer comme Simone Veil, ministre de la Santé, qui a représenté
un féminisme pragmatique, concret, qui part des réalités, de la santé, et est capable du coup d'unir une majorité du pays ; ou alors comme Yvette
Roudy, cette ministre des Droits des femmes en 1981, que l'on a oubliée, qui
incarnait une sorte de féminisme plus radical, une idéologie coupée des réalités, plus sectaire, comme celui défendu aujourd'hui par les théoriciens du genre.

 

* Pour aller plus loin :

 

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