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Le phénomène Bill de Blasio : la nouvelle gauche "libérale" américaine

Le nouveau maire de New York, Bill de Blasio a prêté serment ce 1er janvier 2014 en délivrant un discours qui a comblé la gauche américaine, au-delà de ses espérances. Mais qui est donc ce libéral, progressiste, qui aime tant les symboles ?
Article rédigé par Frédéric Martel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (©)

Ce discours du 1er de l'an était très attendu. Et ce fût un discours traditionnel, un discours de gauche. Et la gauche fut
comblée, au-delà de ses espérances. Le discours a indiqué
une nouvelle direction, un nouveau cap. Il était temps.

Sans surprise,
l'éducation a été érigée en priorité. Plus inattendue,
l'augmentation du salaire minimum a été annoncée. "On va tous
réussir ensemble" est une autre phrase mémorable de ce
discours : il faut donc lutter contre les inégalités, défendre
l'accès au logement pour la classe moyenne ; revoir
complètement la politique d'accueil des sans-domiciles fixes ;
défendre le mariage pour tous.

Et puis il y a les
riches. Il a été décidé de les mettre à contribution, en les
taxant : cet argent va permettre l'accès à la crèche pour
tous les enfants. Dans ce discours
important de la nuit du premier de l'an, la politique, dira-t-on, a
repris ses droits. **Du coup, la gauche est requinquée, revigorée et
elle a retrouvé le sourire avant les élections décisives annoncées
pour 2014.

**

En France ? Non.
Aux Etats-Unis.

Car celui dont je viens
de parler, depuis quelques instants, n'est pas François Hollande.
Ce n'étaient pas les vœux du président de la République, le 31
décembre au soir ; mais le premier discours de Bill
de Blasio
, le nouveau maire de New York
, qui
a prêté serment le 1er
janvier au matin.

Le discours du 1er janvier : une tradition à New York

Le nouveau maire entre
en fonction, comme le veut la tradition en effet, le 1er
janvier à 00h01 minute : Bill de Blasio, 52 ans, a donc prêté
serment durant la nuit de mardi à mercredi, d'abord pour une
cérémonie privée, puis pour cette investiture publique.

Et ce discours de 19
minutes était digne d'une cérémonie nationale. Précédé par des
anonymes venus parler de leur vie et de leur ville ; avec
beaucoup de chansons aussi, les Commodores, Marvin Gaye ou Daft Punk.

Ils étaient plus de
5.000 à y assister, munis de couvertures pour braver le froid. Et De
Blasio est allé jusqu'à organiser une loterie pour offrir ces
places afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui soient
invités aux soirées.

Jusqu'à

son élection surprise en novembre, et son investiture mardi soir, le
grand public ne connaissait guère Bill de Blasio. Qui est-il ?

Bill de Blasio est ce qu'on
nomme outre-Atlantique un liberal . C'est un faux-ami : cela veut dire qu'il se situe plutôt à la gauche du
parti démocrate, donc à la gauche d'Obama (et peut-être même à
la gauche de François Hollande).

Bill de Blasio est un
progressiste qui croit à la justice sociale
.
Certains l'ont taxé
d'être un "socialiste", vilaine insulte aux
États-Unis. Pourtant, il est tout sauf un gauchiste ; c'est
un pragmatique.

C'est la première
fois depuis 20 ans qu'un maire démocrate est élu à New York.

Bill de Blasio, c'est

aussi un style

Oui,
et il aime les symboles. Lors
de son investiture, durant la nuit du 1er
de l'an, il est arrivé en métro. Il a ensuite prêté
serment sur la Bible qui a appartenu à Roosevelt. Et c'est Bill
Clinton qui fut le grand maître de cérémonie cette nuit-là.

Et puis il y a la famille. Et quelle famille ! De
Blasio est blanc, il vit à Brooklyn ; sa femme, Chirlane, est
noire. C'est une écrivaine, qui fut lesbienne. Il la nomme
simplement "ma partenaire". C'est
un beau mariage multi-racial. Ils
ont deux enfants beaux comme des anges. On les a beaucoup vus :
surtout Dante, 16 ans : il a des cheveux extravagants, magnifiques,
qui rappellent ceux de Michael Jackson au même âge sur la pochette
de l'album Ben .

Le
message était clair : c'est une famille, presque comme les
autres. Et cette famille multiculturelle justement a été un
atout, elle fut "l'arme secrète" de Bill de Blasio,
celle qui lui a permis d'emporter la mairie, expliquent les
commentateurs américains.

**Un

maire peut-il faire bouger les lignes à New York ? **

Si on prend les deux
précédents maires de New York, la réponse est oui. Le
républicain Rudolf Giuliani a inventé la tolérance zéro  : en
matière de sécurité, il ne faut pas se contenter de punir les
grands voleurs, il faut sanctionner le premier acte d'incivilité.
Et il faut commencer par le métro et Times Square. Ce fut cela
Giuliani. Et partout dans le
monde, ses idées ont été reprises.

Le républicain Michael
Bloomberg a défendu, lui, une nouvelle approche sociale en créant un
partenariat avec les entreprises, et en misant sur l'emploi. Il a
aussi interdit la cigarette dans les cafés et les restaurants de New
York, suscitant beaucoup de critiques avant que tout le monde
s'aperçoive que c'était une mesure très populaire. Imitée
depuis un peu partout dans le monde. En cela, New York est
un laboratoire.

**Que peut-on en tirer comme enseignement pour la campagne

municipale chez nous, en France ?
**

La campagne commence
sérieusement en France demain. Il y a une chose qui
frappe quand on compare l'élection de New York de celles qui se
préparent dans les grandes villes que sont Paris, Lyon et Marseille.

L'élection du maire
de New York se fait au suffrage universel direct. Tous les quartiers
de New York votent à égalité, que l'on vive à Brooklyn,
Manhattan ou dans le Queens etc. A Paris, à Lyon et à
Marseille, on vote par arrondissement ou par secteur. Si vous habitez
dans le XVIIIe ou
dans le XVIe à
Paris, votre vote n'a pas beaucoup d'importance car il est
probable que ces arrondissements resteront à gauche, pour le
premier, à droite, pour le second. Et à Marseille, on sait que
l'élection va se faire dans le 4ème,
le 5ème, le 11ème
et le 12ème.
C'est le problème d'une élection indirecte à travers des
grands électeurs. C'est un mode électoral anachronique.

Il faudrait changer
cela.
Et revenir au suffrage universel direct. Et peut-être même
réfléchir à faire élire le maire de Paris à partir du Grand
Paris et non pas le limiter à ceux qui vivent à l'intérieur du
périphérique.

On n'en est encore
loin.
Mais ça donnerait peut-être à l'élection municipale plus
de passion populaire. Une passion qu'on ne sent guère, pour
l'instant, ni à Paris, ni à Lyon, ni à Marseille. Où l'on
attend peut-être, pour réveiller la campagne... un Bill de Blasio.

 

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