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Traité transatlantique : valeurs européennes contre valeurs américaines ?

Le nom fait certes peur. Mais pourquoi le traité de libre échange transatlantique, le TAFTA, fait-il autant débat ? Où en sont les négociations ? Quelles sont les positions des uns et des autres ? Et pourquoi cela peut bloquer ? Analyse.
Article rédigé par Frédéric Martel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
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Rien que le nom fait peur. On l'appelle TAFTA ou TTIP. Mais de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un traité, d'un accord de libre-échange, pour la création d'un grand marché entre l'Europe et les Etats-Unis, devenu peu à peu le "grand méchant marché" . A la veille d'un nouveau round de négociations, l'accord suscite de vifs débats. Cela revient dans l'actualité car il y a, chez nous, les élections européennes et, aux Etats-Unis, les élections de mi-mandat.

Les reproches des Européens : opacité, OGM et tribunaux supranationaux

On reproche à ce traité d'être négocié en secret . Alors certes, la Commission européenne explique qu'elle ne veut pas dévoiler la nature de son mandat et les sujets qui vont être négociés pour ne pas donner un avantage aux Américains pour se préparer. On sait néanmoins que la culture ou les aides au cinéma ont déjà été exclues de cette négociation.

Ensuite il y a les thèmes qui font débat : on reparle des OGM, du bœuf aux hormones et même du poulet rincé au chlore... Et puis il y a les sujets plus techniques : les tribunaux supranationaux qui pourraient dans certains cas permettre des arbitrages privés au-delà de ce que le droit des États permet. Bref, beaucoup de fantasmes, de peurs, légitimes pour certains, exagérés pour d'autres.

Les valeurs de l'Europe et des Etats-Unis s'éloignent-elles ?

En France, et plus largement en Europe, ce traité est rejeté par l'extrême-droite et l'extrême-gauche. Et aux Etats-Unis, ce traité fait également débat. C'est moins l'accord en lui-même qui pose problème, que ce grand marché ouvert qui fait peur.

Abaisser les barrières tarifaires, faire converger les réglementations... Tout cela fait - plutôt - l'unanimité. Mais on peut penser que c'est cette idée du libre-échange qui n'est toujours pas admise par certains , alors qu'elle a été pour une part adoptée dans les divers traités européens.

On ne peut pas penser non plus que faire perdre à l'Europe ses valeurs est le premier objectif des négociateurs européens. On peut en revanche se demander en effet s'il n'y a pas des valeurs différentes entre l'Europe et les Etats-Unis .

On le sait depuis Tocqueville : nous avons des valeurs différentes avec les Américains. Depuis, bien des sujets le confirment, de la peine de mort à la sécurité sociale et plus largement le modèle social, sans parler de la protection de la vie privée sur internet.

D'un côté, on privilégie les négociations bilatérales , alors qu'en Europe on préfère souvent le multilatéral ; d'un côté on entend réguler la concurrence , alors qu'en Europe on veut réguler le marché et limiter les positions d'abus dominantes.

Tout cela est vrai - et les différences persistent.

Mais je ferais plutôt l'hypothèse, à contre-courant, que les Etats-Unis et l'Europe se rapprochent, que leurs valeurs convergent. Ce qui nous distingue de l'Amérique est moins important que ce qui nous rapproche.

Car on fait partie du même bloc occidental. Face à nous, ensemble, il y a l'autoritarisme chinois ou russe ; il y a le nationalisme indien qui a connu un grand retour cette semaine ; il y a les stratifications sociales accrues du Brésil.

Sur la finance, sur les normes internationales, sur l'économie de marché et l'état de droit, les Européens et les Américains peuvent être unis. Nous ne construirons pas un grand marché européen contre les Américains, mais plus probablement avec eux.

C'est pourquoi, en termes de négociations commerciales, il faut peser sur l'agenda du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission européenne pour être actif et pour ne pas subir les pressions américaines.

Car en fin de compte ces négociations ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi : elles dépendront de ce que nous en ferons.

 

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