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1914-1918, franceinfo y était. 23 juin 1916 : Les fantômes du village d'Ornes

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Les fantômes du village d'Ornes".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Alice Serrano
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Logo franceinfo. (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / RADIO FRANCE)

1914-1918, franceinfo y était. 23 juin 1916 : Les fantômes du village d'Ornes

Nous sommes le 23 juin 1916. La confusion règne toujours autour de Verdun après les attaques allemandes de ces derniers jours. Le front n’est toujours pas stabilisé, et les Allemands ne semblent pas réussir à prendre le fort de Souville, l’un des derniers bastions avancés de Verdun. Tout le pays à l’est de la ville est le théâtre d’affrontements depuis quatre mois que dure ce bras de fer. Des centaines de kilomètres carrés de ruines. Notre envoyée spéciale Alice Serrano a pu franchir la ligne de front. Vous vous trouvez Alice dans le village d’Ornes, du moins ce qu’il en reste…

Un champ de ruines, voilà ce qu’il reste de ce village de plus de 700 âmes. Ce qui nous saisit en premier lieu, c’est ce silence assourdissant, celui de la mort. Silence troublé par les bruits de canon au loin. Les habitants ont déserté les lieux, abandonnant dans leur fuite leurs effets personnels. Au sol, une poupée qu’une petite fille a semble-t-il perdu dans sa course. Un peu plus loin, une brosse à cheveux. Devant moi, quelques chaussures dans un tas de ruines trahissent l’emplacement du cordonnier, monsieur Hodin. Ici des sacs de farine éclatés témoignent de l’ancienne présence du four à pain du boulanger.

Ce village situé à quelques kilomètres de Verdun a été le théâtre d’un bombardement intensif les 21, 22 et 23 février dernier, au début de la bataille de Verdun. Il ne reste que des ruines. Seule l’église tient encore à peu près debout, chancelante de là où je me trouve ; on voit ce clocher droit, le toit a, lui, été en partie détruit. La gare a été rasée, de même que les quartiers de Grémy et du Moulin des Prés. Partout, les cicatrices de cette bataille qui fait rage dans l’est de la France. Autour du village, d’immenses champs labourés par les obus et quelques arbres rescapés de cette lutte acharnée.

Alice, que sont devenus les habitants que vous évoquiez tout à l’heure ?

Une partie a réussi à fuir, certains se sont barricadés dans leur maison. Les autres ont été faits prisonniers. C’est en tout cas ce que m’ont rapporté certains villageois croisés à quelques kilomètres d’ici. En tout, 74  personnes ont été arrêtées, des hommes, des femmes, des enfants, regroupés devant une fontaine de laquelle ils sont partis dans la nuit du 9 au 10 octobre 1914 pour Mangiennes, un peu plus au nord. Les hommes à pied, les femmes et les enfants sur des chariots. Ce petit convoi de prisonniers a été conduit jusqu’en Allemagne, mais un certain nombre d’entre eux n’ont pas survécu.

Alice, il y a toujours des combats dans le secteur. Les forts de Douaumont et de Vaux sont tombés et la pression est toujours très forte sur la ligne de défense de Verdun…

Aujourd’hui, les Allemands ont lancé une attaque à moins de cinq  kilomètres d’ici pour s’emparer de l’ouvrage de Thiaumont, qui résiste tant bien que mal depuis le début de l’année. Soixante mille hommes sont lancés à l’assaut de ce fort où il reste quelques dizaines de Français. Et d’après les dernières informations qui me sont parvenues, le village de Fleury semble lui aussi avoir cédé aux pressions allemandes, qui bombardent sans relâche. Dans l’après-midi, les meilleures troupes impériales, la Garde bavaroise et l’Alpen Korps, auraient même été lancées à l’assaut du village.

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