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TVA dans l'esport : "On est à un moment pivot où il va falloir trouver de quoi être rentable", avertit Arthur Perticoz, patron de la Karmine Corp

Au terme d'un tournoi historique pour l'esport en Europe, 50.000 personnes réunies sur quatre jours à l'Accor Hôtel Arena de Bercy à Paris pour le Major de Counter Strike qui a vu l'équipe française Vitality s'imposer, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a déclaré à franceinfo que le gouvernement n'alignera pas la TVA appliquée à la billetterie des événements esport, sur celle des événements sportifs et culturels.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le major Counter Strike à Bercy, du 18 au 21 mai 2023. (JULES DE KISS / RADIO FRANCE)

Le gouvernement n'alignera pas la TVA appliquée à la billetterie des shows esports (20%), sur celle des événements sportifs et culturels, (5,5%). Ce n'est pas d'actualité. La ministre des Sports Amélie-Oudéa l'a affirmé et justifié à franceinfo, dimanche 21 mai alors qu'elle se trouvait à Bercy pour le Major de Counter Strike : "L'esport se développe tellement rapidement que la fiscalité n'est pas du tout un obstacle". Des déclarations qui, au moment même où l'équipe Vitality remportait sa plus grande victoire, ont fait beaucoup réagir les acteurs de l'esport qui estiment avoir besoin de soutien. Explications avec Laure Valée, consultante esport de franceinfo, et Arthur Perticoz, PDG du club Karmine Corp.

franceinfo : Pourquoi cette annonce a fait tant réagir les acteurs de l'esport ?

Laure Valée : Cela a fait pas mal de bruit. Cette prise de position a déçu tout l’écosystème de l’esport en France, parce que l'industrie se développe, mais elle est aussi à un moment charnière, où elle a besoin de soutien, pour confirmer tous les efforts qui ont déjà été faits ces dernières années. Parce qu'à l'image d'autres industries, il y a eu un retrait de certains sponsors qui faisaient vivre l'esport jusqu'à aujourd'hui, ou qui en tout cas, ont contribué à son développement.

C'est ce qu'explique Arthur Perticoz, PDG du club francais Karmine Corp : "Je ne suis pas forcément d'accord avec l'idée que l'esport va bien, ou qu'il irait trop bien pour recevoir des aides. Je crois au contraire que c’est le meilleur moment pour aider. Les clubs américains montrent que c’est très difficile. Il y a un assèchement du financement pour les levées de fonds. Donc je pense que c'est maintenant ou jamais pour aider les clubs, car on est à un moment pivot où il va falloir trouver de quoi être rentable. Notamment sur l'événementiel, mais pas seulement.

Donc j’aurais plutôt tendance à penser que c’est maintenant qu’il faut qu’on nous aide, plutôt que de croire que comme on aurait de la hype, comme on aurait du buzz, des likes, et bien, c’est facile pour nous de payer les salaires, car ce n’est pas du tout le cas. Et encore, on est des privilégiés à la Karmine."

Et ce que dit Arthur Perticoz est d'ailleurs confirmé par une information que nous avons appris la semaine dernière. L'arrêt de l'activité esport de LDLC, équipe française historique, soutenue plus récemment par l'Olympique Lyonnais.

On peut tout de même se demander si une TVA alignée sur le sport et la culture, comme le demande le secteur, changerait vraiment la donne ?

Laure Valée : Oui, forcément, ce serait le cas. Cette TVA représente beaucoup de pertes sur les marges des organisateurs d'événements, comme la Karmine Corp.

Arthur Perticoz le souligne : "Aujourd'hui ce qu'il faut comprendre selon moi, c'est que la Karmine Corp est probablement l'un des clubs les plus impactés, en France comme en Europe. On est derrière Zerator, bien sûr, qui est le roi de l'événementiel, mais au niveau des clubs esport on est très impacté. Par exemple, pour l'année 2022, on serait sur un manque à gagner compris entre 75.000 et 150.000 euros. Sur 2023, on serait quasiment au double.

Un Bercy, un KCX 2 par exemple, ça serait 80.000 euros en plus, à mettre dans l'événement. Ça peut permettre aussi une réduction de la valeur des billets pour les fans, qui payeraient moins cher. Ça pourrait nous aider à plein d'égards : à faire que ces événements soient rentables, car ce n'est pas une évidence, loin de là. Faut vraiment comprendre que pour la Karmine Corp, l'événementiel, on ne gagne pas particulièrement d'argent dessus, mais c'est un moyen pour nous de grandir, de marquer les esprits, pour générer sur plusieurs années des revenus additionnels".

"Je pense que c'est plutôt du côté du ministère de l'Économie qu'on doit faire notre travail d'influence. On doit prendre le sujet, c'est maintenant ce qu'on va le faire."

Arthur Perticoz, PDG de la Karmine Corp

franceinfo

Donc là, c'est l'exemple au niveau de la Karmine Corp, donc c'est local, c'est français, mais Robbie Douek, le patron de Blast, l'entreprise qui a organisé le tournoi à Bercy et qui est basée au Danemark, estime pour sa part que "c’est un frein pour les acteurs internationaux". Il souligne que "d’autres pays mettent en place des initiatives pour réduire les coûts des organisateurs".

Ce refus réaffirmé par le gouvernement d'aligner la TVA de l'esport sur le taux réduit de la culture et du sport, ne décourage pas pour autant Arthur Perticoz : "Je suis extrêmement confiant sur le fait qu'on va trouver des solutions. Je pense que tout est aligné pour ça. Je suis convaincu que la ministre des Sports et le ministre du Numérique sont plutôt favorables à cette requête, ils l'ont poussée. Et je pense que c'est plutôt du côté du ministère de l'Économie, qu'on doit faire notre travail d'influence. On doit prendre le sujet, c'est maintenant ce qu'on va le faire, on va progresser là-dessus, je suis sûr qu'on va le faire".

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