Guerre entre Israël et le Hamas : une autre diplomatie est-elle possible au Proche-Orient ?

Alors que les États-Unis ont été contraints de replonger dans le chaudron du Proche-Orient et que la France tente d'y jouer encore un rôle, des grandes puissances non occidentales veulent peser là-bas. La Chine, la Russie ou le Brésil sont à la manœuvre entre Israéliens et Palestiniens. Mais ils peinent à faire émerger une diplomatie alternative aux vieilles diplomaties occidentales.
Article rédigé par Frédéric Métézeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le président palestinien Mahmoud Abbas et le président chinois Xi jinping à Pékin le 18 juillet 2017. (MARK SCHIEFELBEIN / POOL)

"Nous donnons nos vies et nos âmes pour toi Palestine". Au Caire, tout de rouge vêtus, les supporters du club Al Ahly sont des dizaines de milliers à rappeler leur attachement à la cause palestinienne. En Egypte, comme dans les autres pays arabes, les opinions publiques n'oublient pas Gaza où l'on a dépassé les 12 000 morts.

Sur place, il pleut. Ces pluies de type tropical marquent le passage d'un été brûlant et moite à un hiver doux et sec. Sans vrai système d'évacuation des eaux et avec les ordures qui flottent dans les rues, les risques sanitaires sont grands pour les Gazaouis et pour les otages israéliens.

Pendant ce temps, le ministre français de la Défense est en tournée diplomatique. En Israël, en Egypte, en Arabie Saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar, Sébastien Lecornu évoque "deux enjeux de sécurité majeurs : la sécurité régionale avec la lutte contre l'escalade et la sécurité des otages. Ce conflit peut embraser l'ensemble de la région, la France a une voix particulière, il nous faut maîtriser cette escalade."

"Les Français connaissent le sens du mot occupation"


Mais la France dispose-t-elle encore d'une véritable influence ? Beaucoup de Palestiniens en doute, rencontrés par nos envoyés spéciaux Marc Garvenès et Vanessa Descouraux à Jérusalem-Est, la partie majoritairement arabe de la ville.

Reportage de Vanessa Descouraux et Marc Garvenès à Jérusalem-Est

La France est peu à peu reléguée au second plan au Proche et Moyen-Orient mais pense toujours y parler de sa voix "particulière". A l'inverse, les États-Unis avaient choisi de s'en éloigner avant d'être obligés d'y replonger. Dans une tribune au Washington Post, le 18 novembre, Joe Biden soutient la réunification de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous gouvernement d'une Autorité palestinienne "revitalisée". Mais en matière d'influence, les États-Unis ont des concurrents dans la région.

La Chine et le Brésil soutiennent les Palestiniens

Le lundi 20 novembre, des représentants de pays arabes ou majoritairement musulmans comme l'Indonésie sont arrivés à Pékin. C'est la première étape d'une tournée dans les capitales des pays membres du conseil de sécurité de l'ONU. En maître de cérémonie de cette première étape, le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi déplore "une catastrophe humanitaire se déroule à Gaza. La situation à Gaza affecte tous les pays du monde, remettant en question la notion du bien et du mal et les principes fondamentaux de l'humanité." Le correspondant permanent de Radio France à Pékin Sébastien Berriot rappelle que la Chine s'est d'abord imaginée en puissance médiatrice au Proche-Orient (après avoir parrainé le rapprochement irano-saoudien) mais qu'elle a désormais pris fait et cause pour la Palestine, refusant d'utiliser le mot "terroriste" pour qualifier les massacres du 7 novembre.

Pékin espère ainsi peser dans le "sud global", une façon un peu raccourcie de cataloguer tout ce qui n'est pas occidental. Dans ce "sud global", le Brésil tient aussi à se faire entendre par la voix de son président, Lula Da Silva. Le leader de gauche accuse Israël de "tuer des innocents sans aucun critère. Après les actes de terrorisme du Hamas, les conséquences, la solution d'Israël s'est avérée aussi grave que celle du Hamas." Le Brésil et ses comparses des Brics (Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) préparent un sommet en ligne consacré au Gaza durant lequel interviendra Vladimir Poutine. Mais Pierre Haski, journaliste spécialiste des relations internationales pour France Inter et L'Obs, rappelle que "Les BRICS constituent un ensemble très divisé avec des contradictions à l'intérieur" : "L'Inde était très complaisante avec la Russie sur l'Ukraine mais elle soutient Israël contre le Hamas, en rupture avec la Russie qui a choisi d'épouser le discours arabe dominant sur ce conflit."

"La Russie fait tout par rapport à son intervention en Ukraine et veut engranger du soutien dans le sud global. Les Brics essaient d'exister mais il ne faut rien en attendre de décoiffant."

Pierre Haski, journaliste spécialiste des relations internationales

Pour ces puissances du "sud global" souvent rivales entre elles, Israël et Gaza ne sont qu'une case sur un échiquier mondial et dans leur propre agenda.

Dans cet épisode : Vanessa Decoureaux, Sébastien Berriot, Pierre Haski
Mise en ondes : Anne Depelchin
Technique : Guirec Corbin
Production : Frédéric Métézeau

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