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Histoire de folles rumeurs. Eté 1789, la Grande Peur : ils arrivent pour rétablir la monarchie absolue !

Entre le 14 juillet et le 4 août, une rumeur qui a changé l'Histoire.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La Grande Peur de 1789, à Versailles, l’Assemblée est tenue au courant de ce qui se passe dans le pays.  (DEA / G. DAGLI ORTI / DE AGOSTINI EDITORIAL)

C’est l’une des grandes rumeurs de l’Histoire. Une rumeur d’une telle intensité qu’elle en a changé le cours. Trois semaines de craintes, de fureurs, de paniques, au cours desquels des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se sont persuadés qu’ils allaient mourir dans l’heure. On a sonné le tocsin dans les villages, on s’est caché, on a prié, on s’est confessé, des ennemis se sont réconciliés…Ces trois semaines de peur, elles s’étendent entre la mi-juillet et le début du mois d’août 1789. Tout commence avec la nouvelle du 14 juillet, la venue du roi à Paris où il reçoit sa cocarde tricolore, et du retour de Necker au pouvoir. Malgré l’absence de moyens de communication modernes, ces nouvelles sont d’une telle importance qu’elles sont connues rapidement dans tout le royaume. 

Presque immédiatement, une rumeur parcourt, telle un frisson, les villes mais surtout les campagnes françaises. Des bandes de brigands, des troupes étrangères, vont arriver d’un instant à l’autre pour rétablir la monarchie absolue, effacer les quelques mois qui viennent de bouleverser la France. Ce sont des ennemis de la Nation qui veulent détruire le Tiers-Etat ! 

Même les villages les plus éloignés ne sont pas épargnés

Certains les ont vus. Ils dévastent les fermes, ont incendié le village voisin, des soldats fauchent les blés verts, c’est-à-dire les blés sur pied. Voyons un exemple précis de diffusion de la rumeur : à Ruffec, petit village à une quarantaine de kilomètres au nord d’Angoulême, quelques individus habillés en religieux venus faire la quête, et repartis furieux de la faiblesse de leurs gains, auraient quitté le bourg en menaçant de revenir bientôt. On évoque immédiatement des hussards déguisés en religieux ou encore une armée de 30 000 hommes aux portes du Poitou. Ailleurs ce sont des Espagnols ou des Savoyards qui fondent sur la France. La Grande Peur ne touche pas avec la même intensité le royaume de France. Le Poitou, ou encore la région de Nantes, le Maine, la Champagne ou la Franche-Comté sont les épicentres de cette rumeur. 

Mais cette peur irrationnelle a des conséquences bien réelles. Et là ça devient fascinant. Des châteaux, abbayes, prieurés et quelques demeures de grands bourgeois sont pillés ou brûlés par des paysans apeurés. Mais plus encore, la conséquence politique de la Grande Peur, cette rumeur, est sidérante. A Versailles, l’Assemblée est tenue au courant de ce qui se passe dans le pays. Il faut tout faire pour rétablir l’ordre.

Nuit du 4 août 1789

De là, vient l’initiative sacrificielle de deux députés de la Noblesse, le Vicomte de Noailles et le duc d’Aiguillon : mettre fin aux privilèges, à tous les privilèges, de toute nature. La nuit du 4 août marque la fin d’un monde. Et la naissance d’un autre. L’égalité de tous devant la loi. Rien de cela n’aurait été possible sans cette folle rumeur de trois semaines. D’où des hypothèses. Cette peur fut-elle vraiment spontanée ? Ne fut-elle pas provoquée ? Par les contre-révolutionnaires qui auraient manipulé les foules afin de créer un tel désordre que la restauration de l’ordre aurait conduit à celle de l’ordre monarchique ? Ou à l’inverse, par les patriotes, le parti le plus avancé du Tiers-Etat, pour exciter le peuple et au contraire aller plus loin dans le processus révolutionnaire ? Une grande peur, et encore de grands débats d’historiens..

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