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Akihito, l'empereur qui changea l'image du Japon

L’abdication d’Akihito, une première pour un empereur japonais depuis deux siècles, est l'occasion de se pencher sur un règne de 30 ans et une vie politique entamée en 1952, année où Akihito est intronisé prince héritier du Japon.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'empereur japonais Akihito, 83 ans, sur le balcon du Palais Impérial à Tokyo, salue la foule à l'occasion de son discours de nouvelle année 2017.   (TOSHIFUMI KITAMURA / AFP)

Akihito, c’est près de 70 ans de la vie du Japon et surtout l’incarnation d’un nouveau Japon.

Il faut en effet prendre la mesure de ce qu’est le Japon quand Akihito devient prince héritier au début des années 1950. Le Japon est l’ancien allé de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale et avant cela c’est le pays qui a colonisé une bonne partie de l’Asie orientale, dont la Chine, au prix de terribles massacres humains. Et même s’ils imposent la désacralisation de la figure de l’empereur après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ne vont pas exiger le départ d’Hirohito, le père d’Akihito, dont l’implication dans les crimes est indéniable.  

Akihito, un prince héritier chouchou des médias

Le jeune Akihito va alors jouer un rôle majeur dans l’image du nouveau Japon.

La désacralisation de la figure impériale, le jeune prince héritier va s’en servir pour devenir le chouchou des médias, japonais mais aussi occidentaux, un peu dans l’esprit de la monarchie anglaise. On va se prendre de passion pour ce jeune prince moderne, comme se présente son pays qui entre en pleine période de très forte croissance économique. On adore le couple qu’il forme avec Michiko Shōda, jeune femme très occidentalisée, née dans une famille catholique et dont on suit attentivement l’histoire d’amour avec Akihito. Exemple en 1958 à la télévision américaine :

"Ils se sont rencontrés sur un court de tennis l’an dernier, à l’époque, ils étaient de part et d’autre du filet, maintenant, symbole de leur nouveau statut, ils jouent ensemble. Quel que soit le score, c’est un match d’amour. Amoureux du tennis, vainqueurs au jeu de l’amour…

Et évidemment, après leur mariage, leur premier enfant, le futur empereur,  est l’objet de toutes les attentions . On est ici en 1961 :

"Le prince Hiro célèbre son première anniversaire. Pour la première fois un descendant de la famille royale est élevé par sa mère, c’est sûr que le prince Hiro préfère comme ça."

Akihito, empereur de la mémoire assumée et de la réconciliation possible

Une fois au pouvoir, Akihito va se faire plus politique. Intronisé en 1989, trois ans plus tard, le nouvel empereur du Japon stupéfait le monde entier en se rendant en Chine, c’était en octobre 1992.

Dans la longue histoire de nos deux peuples, il y a eu des temps malheureux qui ont infligé de lourdes souffrances aux citoyens chinois. De tout cela, je suis profondément désolé.

Akihito, 23 octobre 1992

Akihito ne va cesser de tenter de renouer les fils avec les anciens ennemis de la région et de reconnaître les crimes commis par son pays. Et notamment en 2005, au moment d’un regain de tensions entre la Chine et le Japon, et du nationalisme exalté par le gouvernement Koizumi, l’empereur tient ferme sur ses principes. Frédéric Charles, le correspondant de franceinfo à Tokyo, en décembre 2005 :

"L'empereur Akihito n'apprécie pas que l'on censure les manuels scolaires ou que certains historiens révisionnistes édulcorent le massacre de Nankin, ni les visites du premier ministre Koizumi au sancturaire de Yasukuni où sont honorées les âmes des soldats morts pour la patrie, parmi lesquels des criminels de guerre pendus par les Alliés."

En 2015, quand un journaliste demanda à Akihito ce qu’il pensait du premier ministre Shinzo Abe et de son désir de doter à nouveau son pays d’une armée, chose interdite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Akihito n’a rien dit mais a brisé en deux les baguettes qu’il tenait dans sa main.

Installé sur le trône de chrysanthème, c’est désormais à son fils Naruhito que reviendra la tâche de symboliser le Japon, d’incarner l’unité nationale et de penser, comme son père le fit, le Japon d’aujourd’hui et de demain.

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