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Dans les ruines d'Oradour-sur-Glane

Le 10 juin 1944, des hommes de l'unité Das Reich perpétraient le massacre d'Oradour-sur-Glane au cours duquel 642 personnes périrent. Un événement devenu un symbole, à bien des égards.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Photo non datée d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), où au moins 642 personnes ont été tuées par les nazis le 10 juin 1944. (ROLAND WITSCHEL / AFP)

Le massacre d'Oradour-sur-Glane est terrible : 642 morts, dont plus de 200 enfants, quelques jours après le débarquement en Normandie et en lien avec celui-ci, puisque l’unité Das Reich remontait du Sud vers la Normandie pour venir soutenir les troupes allemandes aux prises avec les Alliés.

Et c’est lors de leur remontée que les SS vont perpétrer des massacres, souvent pour l’exemple. La veille, c’était à Tulle, et le lendemain, avec d’autres hommes, dirigés par Adolf Diekmann, c’était à Oradour.

En septembre 1944, la France libre en fait, à juste titre, le symbole de la barbarie nazie face à l'innocence française. Mais bientôt, Oradour devient aussi le lieu d’une histoire plus complexe, qui met en jeu, non plus seulement les Allemands mais aussi les Français, les uns contre les autres.

La responsabilité collective inscrite dans la loi

Tout commence par une loi, du 15 septembre 1948, taillée sur mesure pour condamner les SS présents lors du massacre d’Oradour mais aussi celui d’avril 1944 à Ascq, à côté de Lille, où 86 civils sont fusillés. Cette loi, en contradiction avec les règles du droit pénal français, introduit la notion de responsabilité collective.

Elle fait d’un membre quelconque de la division le responsable des exactions de ses compagnons. Le procès d’Ascq d’août 1949 est déjà houleux. Les prévenus SS sont tous, sauf un, condamnés à morts. Ce sont essentiellement des subalternes et on s’émeut de leur sort en Allemagne.

Mais ce n’est rien à côté du procès d’Oradour. Ce procès, militaire, s’ouvre à Bordeaux le 12 janvier 1953 dans une ambiance de règlement de compte : "Au nombre des 19 accusés,13 Alsaciens enrôlés de force dans la division SS qui exécuta le massacre sont venus se présenter à la justice. Mais c'est aussi un nouveau drame qui se lève. Celui des Alsaciens enrôlés de force, les "Malgré-nous". Et tout l'Alsace suivra avec émotion jusqu'à la dernière minute les péripéties de ce procès d'Oradour qui l'atteint au plus profond de son âme."

Le Limousin contre l'Alsace

Deux camps se font face. D’un côté le Limousin qui réclame une justice vengeresse. De l’autre, on l’a entendu, l’Alsace, qui considère que les "Malgré-nous" enrôlés de force dans l’armée allemande ou la SS seront blanchis, car pour beaucoup ce sont des victimes et non des coupables.

Deux régions françaises se font face et attendent avec fébrilité. Le 11 février, le jury délibère : "On attend ce verdict avec impatience mais aussi avec résignation et tristesse. En ce moment même, à Bordeaux, un défilé silencieux se déroule à l'appel de l'Association nationale des familles du martyr d'Oradour. Mais j'imagine facilement que dans tous les villages d'Alsace, on pense aussi à ce verdict qui est en train de sortir douloureusement des délibérations de ces sept hommes."

Alors le verdict, quel est-il ? L'adjudant allemand et le volontaire alsacien sont condamnés à mort. Les treize Alsaciens sont condamnés à des peines variant entre six et huit ans de prison ou de travaux forcés. Six Allemands sont condamnés à des peines de dix à douze ans de prison ou de travaux forcés, le septième est acquitté, il n’était pas à Oradour ce jour-là.

Un jugement contesté

À Bordeaux, on manifeste contre ce jugement que l’on trouve trop laxiste. Le Limousin s’étrangle de rage. Mais en Alsace aussi on s’étrangle au moment du verdict. C’est un lynchage, dit-on, une justice aveugle, qui ne sait pas distinguer les coupables des victimes. Les maires d’Alsace manifestent le 15 février contre ce verdict. On jette un voile noir sur le monument aux morts à Strasbourg, place de la République, des hommes brûlent leur livret militaire et renvoient leur décoration à Paris.

Devant ce tollé en Alsace, l’État vote dans l’urgence une loi d’amnistie le 21 février. Et c’est désormais du Limousin que les décorations militaires sont renvoyées à Paris. À l’entrée des ruines d’Oradour, on dresse la liste des députés ayant voté la loi d’amnistie. On le voit, moins d’une décennie après le massacre, l’unité de septembre 1944 a vu ressurgir les démons de l’histoire.

Restent ces ruines, symbole de la barbarie nazie, ces ruines auxquelles le général de Gaulle a décidé de ne pas toucher, pour garder dans un paysage de désolation, en mémoire les cris des victimes du massacre d’Oradour-sur-Glane.

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