Histoires d'info. Le douloureux souvenir de Katrina
Le 31 août 2005, George Bush découvre l'ampleur des dégâts de Katrina à travers le hublot d'Air Force One. Newsweek évoque" un "touriste."
En août 2005, alors que l'ouragan Katrina menace le sud des Etats-Unis, l'attitude des principaux membres de l'administration est absolument édifiante. Le 29 août, au lendemain de l'arrivée de l'ouragan sur les côtes du golfe du Mexique qui a déjà entraîné les premières évacuations, George Bush, en vacances, pose en photo, hilare, avec John McCain qui fête son anniversaire sur le tarmac de Luke Air Force Base, près de Phoenix (Arizona).
Le président profite ensuite de sa présence dans l'Arizona pour faire quelques rencontres afin de promouvoir sa réforme de Medicare. Il passe ensuite la nuit dans un hôtel de luxe de San Diego, l'Hotel Del Coronado, où il reçoit une demande d'aide d'urgence de Kathleen Blanco, gouverneure de la Louisiane. Mais, trop fatigué, il se couche tôt et ne donne aucune réponse.
Le même jour, Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense, assiste paisiblement à un match de base-ball dans la loge du président des San Diego Padres, John Moores. Le vice-président Dick Cheney, lui, fait de la pêche à la mouche dans le Wyoming, et Andy Card, chef de cabinet de la Maison Blanche, est en vacances dans le Maine
Désinvolture et manque d'empathie
Le 30 août, alors que La Nouvelle-Orléans est sous les eaux – les digues du lac Pontchartrain ont cédé –, George Bush est toujours à San Diego et, ironie dramatique de l'histoire, il honore les médecins qui ont aidé les victimes du tsunami dans l'Océan Indien. Il y commémore également le soixantième anniversaire du V-J Day (la victoire sur le Japon) et joue avec un plaisir non dissimulé de la guitare avec le chanteur country Mark Wills. Difficile de trouver une attitude plus désinvolte, sinon scandaleuse.
Et, last but not least, de retour dans la région frappée par Katrina début septembre, il se rend à Mobile dans l'Alabama et n'offre sa compassion qu'à son ami, le sénateur du Mississippi, Trent Lott : "Nous avons beaucoup à reconstruire… La bonne nouvelle – et c’est dur pour certain de la voir en ce moment – c’est que de ce chaos va naître une Gulf Coast magnifique, comme elle l’était auparavant. Des débris de la maison de Trent Lott – il a perdu toute sa maison – ressortira une fantastique maison. Et j’ai hâte de m’asseoir sous son porche." Des propos qui gomment presque totalement d'autres propos tenus lors de la même visite : "Je comprends, je comprends l’ampleur des dégâts, je comprends la destruction. Je suis conscient du temps que cela va prendre. Et nous sommes avec vous. C’est ce que je veux que vous sachiez. Dieu vous bénisse" Un an plus tard, lors d'un nouveau déplacement dans la région, il parlera à nouveau de cette "fantastique" maison.
Un dérapage dans les sondages d'opinion
L'opinion américaine a sanctionné durement les manquements de la Maison Blanche. Ils ont contribué à faire plonger la popularité du président qui passe sous la barre des 40% deux mois après Katrina. Un sondage ABC-Washington Post en dit long sur l'impact de ce manque d'empathie sur l'appréciation globale de la présidence Bush : seulement 34% des Américains considèrent que Bush "comprend les problèmes des gens comme vous." L'unité nationale autour du 11-Septembre avait un temps minoré cette absence d'empathie, qui éclate au grand jour avec l'ouragan Katrina.
Avant un concert de soutien aux victimes diffusé sur NBC, le 2 septembre 2005, le rappeur Kanye West, venu appeler aux dons, décide de ne plus lire le prompteur et lance avec une émotion évidente : "George Bush ne se préoccupe pas des Noirs !" Le flottement qui suit cette saillie dit beaucoup sur la violence des propos du rappeur.
En disant tout haut ce que beaucoup (de Noirs) pensaient tout bas, Kanye West a ouvert une brèche, un débat qui ne s'est, depuis, jamais vraiment refermé. Le 13 décembre 2005, plus de quatre mois après, Brian Williams revient avec George Bush sur les propos du rappeur. Le président se défend d'être un raciste et rappelle que des zones peuplées majoritairement par des Blancs avaient également été touchées. Une réponse qui ne satisfait pas le journaliste pour qui la Maison-Blanche n'a pas pris la mesure de l'ampleur du drame et de sa dimension raciale.
Une grande enquête menée juste après Katrina par Michael Dawson, Melissa Harris-Lacewell et Cathy Cohen nuance quelque peu cette vision apparemment unanime d'une lecture raciale de l'attitude de Bush. La différence de perception entre Blancs et Noirs est très importante : 9% des Noirs considérant les propos de Kanye West injustifiés alors que c'est le cas de 56% des Blancs !
Ainsi, et c'est lié, 84% des Noirs pensent que le gouvernement fédéral aurait agi plus vite si les victimes avaient été blanches, sentiment partagé par seulement 20% des Blancs. Alors, si une immense majorité des Américains pense que Bush manquait d'empathie (66%), la dimension raciale révèle un net clivage entre Blancs et Noirs.
Au total, Katrina aura causé la mort de plus de 1800 personnes et coûté plus de 100 milliards de dollars.
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