Histoires d'info. Mamoudou Gassama : héros mythologique ou héros moderne ?
Depuis qu'il a sauvé un petit garçon pendu au dessus de vide d'un balcon du 4e étage d'un immeuble parisien, Mamoudou Gassama est depuis ce week-end un véritable héros. Moderne ou mythologique ?
"Héros !" Le mot est sur toutes les lèvres lundi 28 mai et dans tous les journaux depuis dimanche soir et lundi matin. Ce jeune Malien, migrant sans papier, Mamoudou Gassama, est reçu lundi par Emmanuel Macron. Et tout le monde, dans un rare élan d’unanimité, réclame pour lui des papiers, comme récompense à son acte héroïque, avoir sauvé un enfant suspendu à un balcon du 4e étage d’un immeuble du 18e arrondissement de Paris.
Que Mamoudou Gassama soit un héros, cela ne fait aucun doute. Mais est-il un héros mythologique ou un héros moderne ? Le premier, le héros mythologique, dispose de qualités exceptionnelles qui précèdent et permettent l’accomplissement de l’acte héroïque. C’est l’intelligence rusée d’Ulysse, la force d’Hercule ou les dons de Spiderman et à voir Mamoudou Gassama qui a d’ailleurs hérité de ce surnom, il y a en lui ce héros mythologique qui n’a pas vocation à être imité. Sa fonction est d’être simplement adulée et nous n’avons qu’à remercier les dieux de nous l’avoir donné.
Mais il y a aussi du héros moderne chez Mamoudou Gassama, un homme qui par son action désintéressée et grâce à un magnifique courage peut vaincre un péril certain, ici la mort d’un enfant. Et c’est par son acte qu’il devient héroïque. Ce sont les circonstances qui en font un héros, comme le juste de la Seconde Guerre mondiale, qui, lui aussi, sauve un enfant.
La fonction du héros moderne est bien différente de celle du héros mythologique
Ce héros moderne n’a pas vocation à être un modèle. Il ne me donne pas envie d’escalader à mains nues la façade d’un immeuble. Non, ce héros moderne a une fonction sociale, celle d’offrir un récit à la communauté. Le philosophe Roger Pol-Droit avait noté que l’héroïsme d’Arnaud Beltrame nous avait collectivement permis d’offrir une réponse au récit de Daech : vous n’avez pas le monopole du sacrifice pour une cause plus grande que vous.
Dans le cas de Mamoudou Gassama il y a là aussi une inversion du récit : le clandestin sans papier hors-la-loi qui doit être rejeté du territoire national pour nous sauver, laisse la place à un migrant qui doit être intégré à la communauté nationale parce qu’il vient nous sauver. Et il nous sauvera dans l’avenir puisqu’il intégrera les sapeurs-pompiers. Mais le héros est par définition unique et l’acte héroïque de Mamoudou Gassama n’est pas duplicable. En portant, fort justement, au pinacle ce jeune Malien, ne sommes-nous pas en train de signifier symboliquement aux autres migrants sans-papiers qu’il leur sera impossible de devenir français ?
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