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Histoires d'info. Pourquoi la République se méfie-t-elle autant du référendum ?

Depuis ce week-end, on parle beaucoup d’un référendum qui serait organisé le jour de l’élection des parlementaires européens. Une idée qui ne fait pas l’unanimité. La République entretient un rapport de méfiance à l’égard du référendum.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La campagne d’affichage pour ou contre le projet de Constitution présenté par le général de Gaulle au référendum du 28 septembre 1958. La nouvelle Constitution, qui réduit le pouvoir du parlement et renforce celui du président, a été approuvé à 82,60% des suffrages exprimés.  (AFP)

La méfiance qu'entretient la République à l'égard du référendum est assez évidente. La pratique référendaire, à l’échelle nationale, est en effet plutôt rare. Depuis septembre 1958 et l’établissement de la Constitution de la Ve République, les citoyens n’ont été appelés que neuf fois à se prononcer par référendum, tous par une décision du chef de l’État et, la plupart des cas, en vertu de l’article 11 de la Constitution.

Neuf fois en plus de 60 ans, c’est en effet très peu et cela traduit une certaine méfiance des gouvernants à l’égard d’un outil de démocratie directe, pourtant prévu par la Constitution. Méfiance renforcée par le "non" au référendum sur une Constitution européenne de mai 2005 qui a provoqué un tel choc que depuis cette date, aucun référendum national n’a été organisé en France. Cela fait tout de même quatorze ans.  

La tentation du référendum en 2008

Et cela est d’autant plus paradoxal qu’entre temps, en 2008, la réforme de la Constitution prévoit un recours plus fréquent au référendum. C’était l’une des mesures phares du Comité Balladur, mis en place par Nicolas Sarkozy, peu de temps après son élection en 2007 pour moderniser les institutions et mettre en place, selon ses mots, une démocratie "irréprochable".

Dès 1995, le champ du référendum a été élargi aux politiques sociales, économiques et environnementales. Et en 2008 avec le référendum d’initiative partagée, entre le Parlement et les citoyens, on ouvre la voie à bien plus de référendums. Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy n’y voit que des avantages, sur France Inter. On est au mois de juillet 2008 : "Je pense qu'on ne peut pas continuer à avoir des élites qui décident du sort de tout le monde sans jamais que les citoyens puissent être associés à la décision. C'est le risque de la démocratie. Il faut le prendre si on veut que les réformes soient légitimes."

Des paroles... et des actes

Aucun référendum ne sera organisé malgré tout. Il faut dire que ce référendum d’initiative partagée n'est pas facile à organiser puisqu’il faut d’abord une proposition de loi rédigée et votée par un cinquième des parlementaires, soit 185. Elle doit ensuite recevoir le soutien d’un dixième du corps électoral, soit environ 4,5 millions de Français en neuf mois, soit un rythme de 16 000 signatures par jour. Bref, une réticence très claire derrière les grands discours.

Les raisons d'une telle résistance

Outre le mauvais souvenir de 2005, il y a plus structurellement deux craintes qui s’inscrivent dans l’Histoire. La première, c’est que la démocratie directe puisse venir mettre en péril la République. Napoléon Ier et Napoléon III ont légitimé leur pouvoir par la pratique référendaire. C’est pour cela qu’on a réduit le champ référendaire.

La seconde, plus forte je pense, c’est l’idée profondément ancrée que le peuple français n’existe que parce qu’il a des représentants légitimes. Si on lui enlève les représentants, en lui demandant directement son avis dans l’élaboration des lois, alors il n’existerait plus. Ne resterait alors qu’une "myriade de peuples", expression de Mirabeau à la veille de la révolution de 1789. En somme, s’il n’y a pas de représentant du peuple, il n’y a pas de peuple. Bref, l’exact opposé de ceux qui, aujourd’hui, considèrent que les représentants du peuple l’empêchent de s’exprimer.

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