"Les Musulmans, accueillis comme des frères". Juillet 1926, inauguration de la Grande Mosquée de Paris
Le 26 juillet 1926, le président de la République Gaston Doumergue se rend non loin du Jardin des Plantes pour inaugurer la première véritable mosquée sur le territoire métropolitain.
1848, 1878, 1885, 1895... Le projet d'une mosquée à Paris est ancien, mais il est devenu très concret au lendemain de la bataille de Verdun. C'est à ce moment que les conditions se réunissent : rendre hommage aux victimes musulmanes mortes pour la France (elles sont 70.000), mais aussi couper l'herbe sous le pied aux Allemands qui construisaient des mosquées pour les prisonniers français de confession musulmane et les poussaient à répondre à l'appel du sultan ottoman qui appelait au Jihad contre la France. Et enfin, ce projet devait envoyer un signal favorable aux nombreux musulmans de l'empire colonial français.
Face à tous ces enjeux, c'est la République qui finance la mosquée. Mais pour ne pas contrevenir à la loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État, elle subventionne la bibliothèque, le hammam, la salle d'étude et de conférence... En tout une enveloppe de 500.000 Francs.
Et cela ne pose aucun problème à l'un des grands parlementaires de la IIIe République, Édouard Herriot qui s'exprime ainsi en 1920 lors du débat sur son financement.
"Il n'y a aucun inconvénient à donner aux musulmans une mosquée, puisque très légitimement nous donnons aux catholiques des églises, aux protestants des temps et aux israélites des synagogues ! "
La première pierre de la mosquée de Paris est donc posée le 19 octobre 1922, et c'est le Maréchal Lyautey qui inaugure les travaux.
"Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses."
Parmi les spectateurs du lancement des travaux, il y a le Préfet de la Seine qui prononce lui aussi quelques mots :
"Les Musulmans sentiront que la France et Paris les accueillent non comme des étrangers, mais comme des frères ! "
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le président de la République Vincent Auriol vient fêter dans cette même mosquée la fin du ramadan. Et il renouvelle les manifestations de sympathie de la République française aux communautés musulmanes.
Sympathie qu'il espère voir progresser dans les années à venir, pour "toujours " dit-il même.
Pourtant, dans un contexte d'arrivée de travailleurs de plus en plus nombreux d'Afrique du nord et de leurs familles dans les années 1970 sur tout le territoire français, cet embryon d'un Islam de France en plein centre historique de la capitale va se retrouver concurrencé. Et même marginalisé par un Islam en France, ailleurs, moins visible, moins contrôlé, mais aussi moins respecté.
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