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Ils ont fait l'actu. Rachel Keke, au nom de la dignité

Sébastien Baer revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent. Rachel Keke, femme de chambre dans un hôtel parisien, a été le fer de lance d'un combat contre ses employeurs. Après pratiquement deux ans de conflit, elle a obtenu gain de cause.

Article rédigé par franceinfo, Sébastien Baer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Rachel Keke, gouvernante de l'hôtel Ibis Batignolles à Paris, depuis 18 ans et porte-parole des grévistes. (SEBASTIEN BAER / RADIO FRANCE)

25 mai 2021. C'est le soulagement pour les femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles, à Paris. Après 22 mois de conflit, un compromis est enfin signé avec la direction du groupe Accor pour revaloriser les salaires et améliorer les conditions de travail. Rachel Keke, gouvernante de l'hôtel depuis 18 ans et porte-parole des grévistes, savoure ce succès.

C'est une très belle victoire. Je me sens bien, très bien même. Je me suis dit ouf ! Enfin, la lutte paie et notre lutte a payé.

Rachel Keke

à franceinfo

À 47 ans, Rachel Keke est donc devenue l'un des visages du mouvement de contestation. La gouvernante est fière d'avoir obtenu gain de cause pour 99% des revendications : la baisse du nombre de chambres à nettoyer, le paiement des heures supplémentaires, une pause pour le repas et des tenues de travail. Deux mois après la fin du conflit, s'étonne encore d'avoir remporté ce bras de fer. "Je suis toujours fière d'avoir gagné ce combat parce que le groupe Accor ce n'est pas un petit groupe. Il est quand-même premier en Europe et sixième mondial. Donc devant un tel groupe, c'est normal que la joie dure jusqu'à aujourd'hui, car on a quand-même eu 99% de toutes nos revendications. Donc voilà, la joie est immense. On n'arrive pas à comprendre comment on a pu tenir pendant 22 mois face au groupe Accor" raconte celle qui a parfois vécu des moments de découragement. 

"Surtout en période hivernale, explique-t-elle, parce que quand il pleuvait, quand il y avait de la neige et du verglas, on était dehors, on était au piquet de grève et il faisait froid. La grève n'a pas été facile pour nous, surtout quand les clients nous jetaient de l'eau en plein hiver. Et il y a des clients qui nous jetaient des canettes et des clients qui nous insultaient, 'rentrez chez vous, on veut dormir, vous nous emmerdez.' C'est comme ça qu'ils nous agressaient."

Respect et dignité

Pour Rachel Keke, cette victoire a permis aux femmes de chambre de gagner en respect et dignité. "Ce métier de femme de chambre est un travail où on exploite beaucoup les femmes. On n'a pas de diplôme. Il y a toutes sortes de choses: l'exploitation, le harcélement moral, le harcélement sexuel... Il y a des femmes qui pleurent, il y a des femmes qui n'en peuvent plus, mais qui ne savent pas comment faire parce que si elles abandonnent que travail vont-elles trouver ? Parce que dans ce métier, la majorité ne sait pas lire et écrire et ne sait pas s'exprimer. Elles ne connaissent pas leurs droits. Donc, on n'avait plus de dignité, on n'avait plus de respect, on était piétinées, on était rabaissées", dit Rachel Keke qui a pris presque un peu par hasard la tête du groupe de femmes. "Mes collègues ne voulaient pas parler. Elles disaient qu'elles ne comprenaient pas le français et avaient peur que leurs enfants se moquent d'elles. Le me suis dit qu'il fallait quelqu'un pour se mettre devant, pour dire stop, stop, stop, ça ne peut pas continuer."

Combat emblématique

La lutte des femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles est devenue l'emblème des conditions de travail dégradées. "Sans femme de chambre, sans gouvernante, sans équipier, qui va faire ces chambres ? Où les touristes iront-ils dormir ? Ils peuvent aller visiter la tour Eiffel, ils peuvent aller aux Invalides, ils peuvent aller sur les Champs-Elysées, mais le soir, où iront-ils dormir ? Pas dans la rue mais dans ces hôtels. Et ces hôtels, c'est nous qui les nettoyons. Quand ces chambres sont propres et qu'ils paient cher, parce qu'il y a des chambres à 4 000, 5 000 euros, 10 000 euros et que nous à la fin du mois, on se retrouve avec 1 100, 900 ou 800 euros, c'est injuste." Rachel Keke qui garde un enseignement de cet épisode. "Continuer toujours à faire la lutte quand ça ne va pas, même si vous êtes attaquées de partout. Moi, ça m'a beaucoup appris de ne pas avoir peur de parler, de dénoncer et de toujours lutter, de ne pas baisser les bras".

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