"La nuit recommencée", de Leopoldo Brizuela
Il a fallu attendre les années 2000 pour que débutent vraiment les procès des militaires qui ont torturé et assassiné. On compte au moins 10.000 disparus en Argentine et Leopoldo Brizuela qui avait 12 ans en 1976 mêle deux événements, qui se passent au même endroit, dans la maison de ses voisins à La Plata, ville située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Buenos Aires.
En 2010, alors que le héros vit seul avec sa mère, la maison voisine est cambriolée, avec la complicité de la police et lui, ne dit rien. Ce silence, cette forme de lâcheté face à une insécurité favorisée par la corruption, fait d'un coup resurgir le souvenir de l'enlèvement en 1976 d'une jeune femme, au même endroit, soupçonnée par la dictature d'être impliquée dans un réseau de financement des révolutionnaires.
La trame de fond de cette histoire est réelle, les personnages changent, mais le plus fort, avec ces allers-retours dans le passé, c'est la puissance des sentiments, la peur, la peur de la peur, et la culpabilité qui ont longtemps hantées Leopoldo Brizuela.
La partie contemporaine se passe en 2010, alors qu'ont commencé quelques années avant, sous la présidence de Nestor Kirchner les premiers procès des militaires. C'est ce qui aide le héros du roman à se souvenir. En 1976, son père a collaboré avec la junte, il a aidé à l'enlèvement de cette voisine. L'auteur décrypté bien le mécanisme de la mémoire qui se libère du passé.
C'est un roman dérangeant jusqu'au bout, il y a les rapports père fils, la culpabilité et un antisémitisme qui n'est pas que chez les bourreaux, dans l'affaire évoquée. Il s'agit de banquiers accusés d'avoir aidé un mouvement révolutionnaire, la voisine enlevée et torturée n'était qu'une employée, totalement innocente. Leopoldo Brizuela a découvert, au moment du jugement des tortionnaires que le fait que les victimes soient juives entraînait des commentaires peu glorieux.
La nuit recommencée , de Leopoldo Brizuela aux éditions du Seuil.
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