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"Timbuktu" : la foi en l'homme contre les fous de Dieu

"Timbuktu", le film d'Abderrahmane Sissako, qui sort aujourd'hui en salles, résonne fortement avec l'actualité, puisque le cinéaste nous emmène au Mali, où a été retenu pendant trois ans Serge Lazarevic, l'otage français libéré hier.
Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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Abderrahmane Sissako, qui est mauritanien mais qui a grandi au Mali, s'inspire en fait dans ce film de l'occupation de Tombouctou par les djihadistes il y a deux ans, parce qu'il voulait dénoncer mais aussi donner chair à la violence de l'intégrisme religieux, grâce au cinéma et à la fiction. Il nous emmène donc sur les bords du fleuve Niger, dans les ruelles d'un village aux mains de djihadistes qui imposent leurs lois et les interdictions les plus absurdes. Mais entre ces irruptions de violence parfois insoutenables, le cinéaste célèbre aussi la beauté des paysages et des visages, la musique, l'imaginaire, et l'humour, et c'est ainsi qu'il nous bouleverse, en signant un film qui est aussi un hommage à tous ceux qui résistent au quotidien, comme les gamins du village qui continuent à jouer au foot sans ballon, ou une femme qui continue de chanter sous les coups de fouets. Autant de visages et d'images qui restent longtemps en mémoire.

Hanté par la propagation des groupes islamistes, Abderrahmane Sissako dit d'ailleurs garder foi en l'homme, à sa capacité de résister ainsi à ce qu'il appelle un "virus", un mal qui gangrène nos sociétés mais qui abime aussi l'islam :

"Je ressens, depuis le 11 septembre, qu'on se trompe de combat. On a fait le choix de la stigmatisation d'une religion sans dire que cette religion elle-même pouvait être fragilisée, prise en otage. Tombouctou a été prise en otage par un petit groupe de gens qui ont imposé les choses. Mais la vraie valeur de cette ville, c'est l'islam qui est montré par son imam, que j'ai rencontré car je me suis inspiré de lui, qui se battait quotidiennement contre les djihadistes en leur demandant où était la tolérance dite par la coran, où était Dieu dans tout ça. Donc, oui, il faut rendre hommage à ces résistants. Lorsqu'on est capable de chanter dans sa tête les chansons interdites, lorsqu'on est capable de jouer au football sans ballon, comme une forme de résistance contre l'absurdité de ces interdits, on se bat au quotidien. L'être humain est fondamentalement capable de résister et je crois qu'il faut croire en cela. "

 

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