"Twenty feets from stardom", de Morgan Neville
De Sting à Stevie Wonder, tous les géants de la musique ont
accepté de témoigner dans ce film passionnant qui pose la question : Que
serait-sans les choeurs, le Walk on the wild side de Lou Reed, le Young
american de Bowie ou Gimme shelter des Stones ?
Elles s'appellent Claudia Lenear, Merry Clayton ou Darlene
Love, et bien qu'elles n'aient jamais vraiment percée en solo, elles ont aussi
construit une page importante de l'histoire du rock. Le film est truffé
d'anecdotes incroyables, comme lorsque Merry Clayton raconte ce soir, où, chez
elle, enceinte jusqu'aux yeux, ses bigoudis sur la tête avant de se coucher, le
téléphone sonne : "Les Rolling machins sont en ville, ils
cherchent une voix féminine ". Merry Clayton est embarquée, dans son pyjama,
direction les studios pour poser son timbre explosif sur le refrain de Gimme
Shelter .
Ces voix sont devenues, d'un seul coup, indispensables aux
musiciens de l'époque, parce que, tous le disent, le rock anglais, celui
des Stones, des Who ou de Led Zep étaient fasciné par le blues, le gospel,
toutes ces musiques noires américaines. Ils ont découverts que ce son-là
résidait dans les chœurs, ceux notamment distillés depuis peu dans les
productions américaines de Phil Spector par exemple, qui fait chanter Darlene
Love et ses Blossoms, (premières choristes noires à entrer en studio).
C'est l'emblème de ces indispensables inconnues : totalement
exploitées par Phil Spector, elle a failli tomber dans l'oubli et passer à côté
de sa carrière, avant d'être introduite au Rock'n roll Hall of Fame en 2011. Un
happy end après une sévère traversée du désert, pendant laquelle elle entendait
ses tubes passer à la radio, alors qu'elle faisait le ménage chez des gens pour
survivre.
Pas d'égo, pas de spotlights
C'est le vrai sujet de ce film formidable : entre une
chanteuse et sa choriste, la différence reste infime, et tient souvent à l'égo.
Ces chanteuses de l'ombre parlent souvent de la musique
comme un don, et elles ne sont pas franchement programmées pour voler la
vedette. Toutes celles qui ont tenté le solo sont allées droit dans le mur,
Merry Clayton, Tàta Vega ou Claudia Lennear : bombe atomique et voix soul
imparable, cette dernière, ex-Ikettes (les danseuses et chanteuses qui
accompagnait Ike et Tina Turner), dont Jagger parle encore aujourd'hui avec des
trémolos dans la voix, gagne sa vie comme prof d'espagnol.
Une présence vocale indispensable, un supplément d'âme qui a
évidemment permis à tous ces titres de rentrer dans l'histoire, mais qui peine
aujourd'hui à être reconnue par l'industrie du disque, dont les budgets de plus
en plus serrés tendent à préférer les accès de vocoder et autres tours de magie
technologiques.
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