"Hold-up sur les vieux" : "Est-ce qu'on considère la personne âgée comme une marchandise ?", questionne la coréalisatrice du documentaire

Pour Laurence Delleur, coréalisatrice du documentaire diffusé mardi sur Arte, la prise en charge des personnes âgées en Europe soulève de nombreuses questions.
Article rédigé par Laurent Valière
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Laurence Delleur, coréalisatrice du documentaire "Hold up sur les vieux", le jeudi 9 mai 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Laurence Delleur, réalisatrice de documentaires, coréalise avec Nathalie Amsellem un documentaire "Hold-up sur les vieux", diffusé mardi 14 mai 2024 sur Arte et déjà accessible sur la plateforme arte.tv. Un tour d’horizon dans plusieurs pays européens pour comprendre comment les pouvoirs publics comme en France, en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore au Danemark gèrent la question de la prise en charge des personnes âgées en la déléguant très voire trop souvent au secteur privé. 

En Europe, le vieillissement de la population s’accélère et la prise en charge des personnes âgées constitue une manne pour le secteur privé. Considéré comme une alternative pour les pouvoirs publics, il s’est avéré que de ce système de prise en charge comportait de nombreuses dérives, le profit l’emportant sur le bien-être des résidents des maisons de retraite. Une prise de conscience soudaine, provoquée il y a deux ans par le livre de Victor Castenet Les fossoyeurs, aux éditions Fayard. Ce livre levait le voile sur la maltraitance des personnes âgées dans les Ehpad et créa une onde de choc. Un ouvrage comme le point de départ de ce documentaire, pour "prendre de la hauteur" en regardant ce qu’il se passe ailleurs, en Europe, comme le souligne Laurence Delleur. 

Dans ce documentaire édifiant sur le business de l'or gris, c’est-à-dire la prise en charge des personnes âgées et de ses retombées économiques, il apparaît que nos seniors finalement deviennent des marchandises. "On a constaté qu'effectivement les entreprises font ce qu'elles savent faire, c'est-à-dire de l'argent", déclare Laurence Delleur : "La question est politique. Il faut savoir si les politiques décident de confier les personnes âgées à des entreprises ou est-ce qu'on considère que la personne âgée n'est pas une marchandise ?" Un débat que les réalisatrices souhaitaient soulever dans ce documentaire. 

C’est en 1997 que le gouvernement français a encouragé des sociétés privées à s'installer en les subventionnant et en leur permettant ainsi de générer des chiffres d’affaires en milliards. Orpea devenue Emeis ou encore le groupe Korian ont tour à tour fait scandale. Il existe certes d’autres alternatives aux Ehpad, en France, mais qui connaissent leurs limites. C'est le cas des colocations. Dans "Hold-up sur les vieux", la société Âges et Vie est pointée du doigt. Si l’idée de départ paraît idéale, les difficultés se concentrent sur le manque de personnel, avec un turn-over trop important. Cela nuit au quotidien des locataires, comme en témoigne une pensionnaire. Une enquête va être publiée à ce sujet, samedi, sur le site de la revue XXI, et le premier feuilleton sur les trois sera en accès gratuit.

Esclavage moderne en Allemagne

Alors est-ce mieux en Allemagne ? Le pays ne compte que très peu d’Ehpad, l'État souhaitant maintenir les personnes âgées chez elles le plus longtemps possible. Ce qui pourrait paraître être une bonne idée connaît aussi des limites puisque l’on apprend dans le documentaire que parmi les personnels auxiliaires de vie, beaucoup sont étrangers. La frontière avec de l’esclavage moderne est d'ailleurs ténue. Issus de l'Europe de l'Est, ces auxiliaires de vies dont "les conditions de travail sont très floues, sont des bonnes à tout faire et travaillent parfois 16 h par jour pour des salaires de misère", raconte Laurence Delleur avant d’ajouter, "tout ça n'est pas très encadré parce que cela arrange bien tout le monde. Elles font le travail que personne ne veut faire et à moindre coût".

L'exemple du Danemark, où là l’État a carrément arrêté de construire des Ehpad, redonne de l'espoir aux "futurs vieux" que nous sommes. "Le but, c'est de maintenir le plus possible les gens à domicile . Mais il ne faut pas se leurrer, c'est aussi pour des raisons d'argent parce que ça coûte cinq fois moins cher de maintenir les gens à domicile que dans un Ehpad" précise la réalisatrice. Le Danemark a fait aussi ce choix pour des raisons financières, mais dans le respect de la personne âgée, "tout est organisé pour que la personne puisse rester le plus longtemps chez elle, tout lui offert gratuitement le déambulateur, le rehausseur", conclut-elle. 

Retrouvez cette interview en vidéo : 

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