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Info médias. Élise Rouard : "Le régime de Vichy estimait qu’il y avait des malades plus intéressants à sauver"

Élise Rouard signe "L’Hécatombe des fous", un documentaire sur ces 45 000 patients morts de faim dans l'indifférence générale au sein des asiles français pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Article rédigé par franceinfo, Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Élise Rouard, réalisatrice de "L'Hécatombe des fous".  (Capture d'écran documentaire)

Ce chapitre de l'Histoire est totalement passé inaperçu. Comme oublié des mémoires. À travers son documentaire L'Hécatombe des fous, Élise Rouard raconte comment 45 000 hommes et femmes sont morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques, dans l’indifférence générale, entre 1940 et 1945.

C'est en visitant une exposition consacrée à Camille Claudel, dans l'asile où elle est décédée, que la réalisatrice est tombée sur ce chiffre "exhorbitant, épouvantable" : "En visitant l’exposition, je tombe sur des courriers qu’envoie le directeur notamment à Paul, le frère de Camille Claudel, et qui lui dit 'mes fous sont en train de mourir de faim, ils tombent comme des mouches'".

Neuf malades sur dix n’avaient aucune visite

À l’époque, les familles abandonnaient leurs proches malades mentaux dans les asiles. Camille Claudel aura passé 30 ans à l’asile, dont une année à Ville-Evrard et le reste à Montdevergues, dans le Vaucluse. "Il n’y a que son frère qui est venu la voir, une douzaine de fois en trente ans, ce qui est peu. De toute façon, la mère de Camille qui était très dure, avait signifié à l’hôpital que les visites et les courriers étaient interdits", explique-t-elle.

Le dossier médical de Camille Claudel expliquait, à l'époque, qu'elle était morte d'une attaques, et pourtant, à plusieurs reprises étaient notées "des alertes des médecins concernant des carences alimentaires". À l'époque, la plupart des Français sont soumis à des restrictions très dures mais ils se débrouillent avec le marché noir. "Dans les asiles, il n’y a que ce qui est servi à table", poursuit Élise Rouard.

Les directeurs d’hôpitaux appellent au secours très vite, et systématiquement, le régime de Vichy dit 'non, on ne peut pas faire une exception à cette règle, c’est comme ça et pas autrement'

Élise Rouard

à franceinfo

"La ration arrive à descendre à 1 200 calories par jour. Le régime de Vichy a été au courant très tôt de ces très gros problèmes. La courbe des décès monte en flèche en 1941, mais les premiers morts arrivent dès 1940." Les directeurs d’hôpitaux se débrouillent avec les paysans pour cultiver leurs terres, mais la Préfecture refuse : "elle répond même 'il y a des malades plus intéressants que les votres'. Vichy se réveille en décembre 42, mais ça fait déjà 3 ans que les malades meurent de faim, c’est très tard."

L’Hécatombe des foussur la plateforme Spicee, à voir sur abonnement (8 euros par mois, premier mois offert).

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