Paris : "Il y a deux à trois fois plus de pollution à l'intérieur du métro qu'à l'extérieur dans la ville", révèle le journaliste Martin Boudot
Martin Boudot, présélectionné pour le Prix Albert Londres pour sa série "Vert de rage" sur France 5, est journaliste et réalisateur. Le magazine enquête sur des scandales environnementaux. Lundi 2 octobre 2023 à 21h05, il propose une plongée sous terre très inquiétante : "Métro, alerte à l’air ". L’ancien journaliste de Cash Investigation y révèle une étude sur la qualité de l’air dans le métro en région parisienne dont les résultats font froid dans le dos. Une enquête prise très au sérieux par les pouvoirs publics.
franceinfo : Ce nouveau numéro de "Vert de rage" va particulièrement intéresser les huit millions de personnes qui prennent quotidiennement le métro et le RER en région parisienne. Cette saison, vous avez réalisé une étude sur l'air que respirent les voyageurs dans les réseaux souterrains. Les résultats sont édifiants. Personne, avant vous, n'avait jamais mesuré la pollution dans le métro ?
Martin Boudot : Des associations l'avaient fait, mais de manière assez limitée. Et elles n'avaient pas analysé l'air qui était à l'extérieur. Nous, ce qu'on a réussi à faire, c'est faire le différentiel entre la pollution qui est à l'extérieur et celle qui est à l'intérieur parce que la RATP a longtemps dit : Mais vous savez, si l'air est pollué, c'est aussi parce qu'on subit l'air pollué de Paris. Et nous, on a voulu mesurer le différentiel. On l'a fait dans 332 stations et 435 quais pour être précis, de 18 h à 20 h, du lundi au vendredi. On n'a pas passé les meilleures soirées de notre vie, mais c'était très efficace parce qu'on a pu vraiment se rendre compte de la pollution et de disparités entre les différentes lignes.
Quels sont les résultats ?
Les résultats sont variables en fonction de là où on est. Mais ce qu'on voit, c'est que de manière générale, il y a deux à trois fois plus de pollution à l'intérieur du métro qu'à l'extérieur dans la ville de Paris.
"Dans le métro, on voit des niveaux de métaux lourds relativement préoccupants comme du fer, du manganèse, du nickel. On s'est rendu compte que dans des stations, on atteignait parfois 20, 25 ou 30 fois les niveaux recommandés par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé pour l'air extérieur."
Martin Boudot , journalisteà franceinfo
Il n'y a pas de normes pour l'air intérieur, pas de normes de qualité de l'air dans le métro finalement.
On se rend compte au final quand on va voir Jean Castex PDG de la RATP, Clément Beaune le ministre des Transports, que tous réclament une norme. Ça fait des années qu'ils le demandent. On verra si ça va bouger.
Quels conseils vous pouvez donner aux usagers qui n'ont pas le choix que de prendre le métro ou le RER ? Y a-t-il des endroits moins pollués que d'autres dans les stations ?
De manière générale, c'est un peu bête, mais quand le métro est aérien, il est clairement beaucoup moins pollué que les tunnels qui n'ont jamais aucune sortie. Ce que me disaient les scientifiques avec lesquels je travaillais, c'est qu'en cas de pic de pollution, aller dans le métro, c'est encore pire. Sur le site de francetvinfo, on a mis une carte interactive avec la pollution dans chaque station donc, chacun peut aussi regarder comment ça se passe près de chez lui.
Le résultat de votre étude est sorti il y a quelques mois. Y'a-t-il eu des avancées ? Avez-vous réussi à faire bouger les lignes ?
Cette enquête a eu un impact considérable. D'abord, la RATP a annoncé plusieurs chantiers dont une enveloppe de 57 millions pour améliorer la ventilation. Ils ont mis en place des filtres nouvelle génération à Porte de Clichy. Ils ont également mis en place de nouveaux freins. Bref, Jean Castex a considéré notre étude comme un aiguillon. Île-de-France Mobilités, ceux qui régissent la RATP, nous ont remerciés. On a été convoqués, auditionnés le 1ᵉʳ septembre 2023 pour présenter nos résultats et depuis, ça a quand même pas mal bougé.
Pour une autre de vos émissions, "Planet Killers", vous enquêtez sur des crimes environnementaux et en fin d'année dernière, vous avez été menacé de mort par l'un des hommes auquel vous aviez consacré un numéro, un fraudeur à la taxe carbone, sous le coup de quatre mandats d'arrêt. Vous l'aviez interrogé en caméra cachée. Depuis, vous êtes sous surveillance policière, est-ce toujours le cas aujourd'hui ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Ça a été un moment très compliqué pour ma famille et moi. C'est aussi ce qui arrive à des journalistes en France et encore pire dans le monde.
"Il ne faut pas oublier qu’aujourd'hui des journalistes dans le monde entier sont menacés, que les militants environnementaux sont ceux qui sont le plus tués. Les journalistes qui s'y intéressent en payent le prix."
Martin Boudot , journalisteà franceinfo
Aviez-vous déjà été pris pour cible de cette manière ? Aviez-vous subi autant de pression ?
Sur le terrain, oui, mais pas en France. Au Niger, on a été arrêtés en Pologne, on a été expulsés de Chine, ça a été très compliqué au Maroc également. Mais on voit bien que les questions environnementales sont de plus en plus sensibles dans les pays. Avant, on disait qu'on était journaliste environnemental, il n'y avait pas de problème, on nous regardait un peu de haut. Moi, ça m'allait très bien. Aujourd'hui, on sent que ce sont des thématiques qui sont des thématiques quasi géopolitiques et qui ont de multiples conséquences.
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