Réjane Varrod, réalisatrice de "Mamans solos : les oubliées de la République" : "On est en 2024 et pourtant ces femmes ont honte"
En France, plus d'1,5 million de mères célibataires élèvent seules leurs enfants. Un quotidien souvent difficile à gérer et qui isole ces mères souvent démunies. Entièrement composé de témoignages, sans commentaire, le documentaire de Réjane Varrod "Mamans solos, les oubliées de la République", disponible dès mercredi 4 décembre, sur le site de la chaîne parlementaire LCP, a voulu leur donner la parole.
Filmées à Lyon, ces femmes racontent leur vie au quotidien, leur charge mentale, leurs difficultés économiques et souvent leur isolement, qui pèsent sur leur santé physique et surtout mentale. Des "oubliées de la République" donc, qui "passent sous les radars, parce qu'elles ont tellement de choses à faire et à gérer qu'elles n'ont absolument pas le temps de prendre la parole", explique Réjane Varrod.
"La parole qu'elles prennent, c'est pour s'occuper de leurs enfants, pour payer le loyer, faire leur boulot ; en fait, d'être en charge pour la vie quotidienne. Elles n'ont pas le temps de témoigner."
Réjane Varrodfranceinfo
Un quotidien lourd, isolant, souvent accompagné de honte, la "honte d'être une maman solo". Si les mentalités changent - difficilement - la représentation sociale de la famille pèse sur un modèle familial souvent jugé comme défaillant. "Elles prennent des chemins de traverse. Elles se sentent coupables", explique la réalisatrice, qui a voulu commencer son film par la rupture, source de cette culpabilité : "être maman solo, ça raconte aussi une rupture amoureuse. Forcément, c'est soit on est quitté par son compagnon ou sa compagne, soit on quitte".
Des groupes de parole
Ces femmes, Réjane Varrod les a suivies, elle les a écoutées, et en retour, elles lui ont fait confiance pour transmettre ces témoignages. À l’origine, ces femmes faisaient partie d'une association, un groupe de parole pour se confier sur ce sentiment de solitude et libérer la parole. "J'adore filmer les groupes de parole. J'aime beaucoup parce que j'ai une palette de femmes, un groupe uni, avec une sororité incroyable", confie la cinéaste. À partir de là, elle réalise une sorte de casting et se tourne vers celles qui pourront être suivies face caméra, comme Lucile, 39 ans et ses deux enfants de quatre ans et 18 mois, ou encore Aude, 44 ans, et sa fille de 21 mois.
"J'ai été très surprise par l'absence des pères. Il n'y a pas de père dans ce groupe de parole, confie Réjane Varrod, dans 85% des familles monoparentales, ce sont les mères qui s'occupent des enfants". Dans le documentaire, Aude, "maman solo" interrogée sur le sujet, répond avec tristesse : "je me dis que, franchement, si on n’était pas là, des orphelins, il y en aurait plein. Et ça me choque".
Après une séparation ou un divorce, seuls 21% des hommes réclament la garde alternée. Un chiffre qui interpelle la réalisatrice. "Je me suis dit que parfois, il existe des pères qui peuvent être pères, uniquement quand il y a la maman et la famille, dit-elle. Il n'arrive plus à être père quand il n'y a plus leur épouse. Et ça, ça m'interroge", conclut Réjane Varrod.
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