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De gigantesques "soupes de plastiques" dans les océans

Après une vingtaine de jours en mer et 5.400 km parcourus, le bateau de l'expédition "7eme continent" a accosté en Martinique le 25 mai dernier. Le but de cette mission était d'étudier les déchets plastiques qui s'accumulent sur une vaste zone au beau milieu de l'océan Atlantique nord. Une pollution longtemps passée inaperçue.
Article rédigé par franceinfo
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Le premier à avoir lancé l'alerte est un navigateur américain, Charles Moore. En 1997, ce marin dénonce la présence d'une quantité particulièrement importante de morceaux de plastique, au cœur de l'océan Pacifique nord sur une zone de près de trois millions et demi de km², soit six fois la taille de la France. Il parle alors d'un "continent de plastique". Par la suite, en 2010, une nouvelle plaque de déchets d’une taille comparable est découverte dans l’océan Atlantique nord. Le bateau de l'expédition "7eme continent" s’est rendu dans cette zone ce mois-ci.

• En quoi a consisté la mission exactement ?

Le chef de cette expédition, l'explorateur Patrick Deixonne, s'est entouré de scientifiques du CNRS, du CNES et de l'ESA. Une partie de leur travail à consisté à optimiser l'itinéraire pour trouver les zones de convergences où s'accumulent les déchets plastiques. A bord du bateau, des chercheurs ont effectué des analyses et des prélèvements d'eau tout au long de l'expédition.

• Une expédition qui a eu son lot d'imprévus.

Quatre jours après le départ de Martinique, début mai, le bateau, un catamaran de 18 mètres, a démâté. Ce qui a contraint l'équipage à se détourner sur Saint Barthélémy pour finalement prendre un nouveau bateau. Avec ces péripéties, le programme scientifique a dû être un peu adapté, mais les objectifs principaux ont été atteints. Il ne s'agissait pas seulement d'une mission scientifique, le but était également de sensibiliser le public et d'attirer l'attention des médias sur cette pollution dont on parle peu et que l'on connaît encore relativement mal.

• Comment se fait-il que ce continent de plastique soit passé si longtemps inaperçu et soit encore si mal connu ?

En réalité le terme de continent de plastique, qui a beaucoup été repris car il a le mérite de frapper les esprits, est un peu trompeur. Cette formulation laisse imaginer des amas de déchets solides compacts flottant sur l'eau tels des radeaux de détritus à perte de vue. En fait cette pollution est beaucoup plus insidieuse. Si vous survolez cette zone en avion vous ne verrez rien. Vous pouvez-même naviguer dessus sans vous en rendre compte.

Il y a certes quelques gros déchets, l'équipage de l'expédition 7eme continent rapporte avoir vu des seaux, des flacons, une botte ou encore des casques de chantiers. Mais comme ils le disent "ce n'est pas ce qui était visible à l'œil nu qui était le plus impressionnant ". Une bonne partie du plastique est présent sous forme de tous petits fragments. Tous ces petits morceaux ne flottent pas en surface. Ils se répartissent sur une certaine épaisseur d'eau. On en trouve jusqu'à 30 mètres de profondeur. L'image de "soupe de plastique" qui est aussi parfois employée est plus juste que celle de continent.

• Comment expliquer que ces déchets plastiques se concentrent ainsi dans certaines régions des océans ?

Une proportion importante (10%) du plastique que nous produisons (sac, bouteilles etc.) portée par le vent ou les rivières finit dans les océans. Tous ces déchets sont charriés par de grands courants océaniques.  Des courants qui en certains points du globe s'enroulent sur eux-mêmes,  formant de gigantesques spirales (on parle de gyres océaniques). Les déchets se retrouvent alors piégés dans ces gyres. D'année en année ils s'accumulent, et pour un bon moment. Il faut plusieurs centaines d’années pour que ces plastiques se dégradent.

Ce phénomène ne concerne pas uniquement l’hémisphère Nord. On trouve également des gyres dans le pacifique Sud, l’atlantique Sud et l’Océan indien. Il y a donc en tout cinq gyres océaniques. A ce jour la plaque de déchets la plus étudiée reste celle du pacifique nord, la première à avoir été découverte. Les scientifiques ont par exemple montré qu’il y avait dans cette zone cinq fois plus de plastique que de plancton.

• Quels dangers présentent ce plastique ?

Les détritus de grande taille font des dégâts chez certaines espèces. Les tortues par exemple s’étouffent en avalant des sacs plastiques qu’elles prennent pour des méduses. D‘autres animaux s’emmêlent ou se blessent avec ces débris.

Il y a essentiellement des petits fragments et ces petits fragments présentent eux aussi un danger pour les écosystèmes. Ils sont ingérés par les poissons chez qui ils provoquent suffocation et empoisonnement. Comme si cela ne suffisait pas, ces morceaux de plastiques transportent des polluants toxiques qui se rependent ainsi dans toute la chaîne alimentaire. Chaîne alimentaire dont nous faisons partie.

Cette chronique a été mise en image par la graphiste Clémence Gandillot.

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