Charlie Hebdo : 10 ans après, que reste-t-il de l'esprit "Je suis Charlie" dans la classe politique ?

Il y a dix ans, le 7 janvier 2015, Charlie-Hebdo était décimé par un attentat qui suscita une vague d’émotion inédite et un cri de ralliement qui fit descendre dans la rue un pays uni : "Je suis Charlie".
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Une peinture de l'artiste Christian Guemy, connu sous le nom de C215, en hommage aux membres du journal Charlie Hebdo qui ont été tués par des terroristes en janvier 2015. Photo prise le 7 janvier 2019 à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le 11 janvier, des millions de personnes défilaient derrière ce mot d’ordre synonyme de défense de la liberté d’expression, garante de toutes nos autres libertés, et donc de la démocratie. Les plus gros cortèges depuis la Libération. Des manifestants de tous horizons en hommage aux membres de la rédaction, Charb, Cabu, Wolinski, et les autres, assassinés pour des dessins, mais aussi aux policiers et aux Français juifs de l’Hypercacher, eux aussi victimes de la barbarie islamiste. Une émotion planétaire avec des dizaines de chefs d’Etat réunis à Paris. "L'esprit Charlie" semblait invincible, immortel, "increvable" pour reprendre le titre de l’hebdomadaire cette semaine.

Que reste-t-il de l'esprit Charlie ?

Il s’est en bonne partie "dilué", selon l’ancien président François Hollande. Le pays s’est fracturé de nouveau, morcelé, "archipellisé", selon l’analyse du politologue Jérôme Fourquet. Et toute une partie de la gauche a renié l’idéal laïque qu’elle avait engendré. En janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon rendait un vibrant hommage à son ami Charb lors de ses obsèques : "Merci camarade ! Tu as été assassiné par nos plus anciens, nos plus constants, nos plus cruels ennemis, fanatiques religieux et crétins sanglants ! "

Il faut réécouter ce si beau discours pour mesurer le chemin parcouru. À l’époque, l’Insoumis récusait "avec la plus grande force" disait-il, le terme d’"islamophobie" au nom du droit à critiquer toutes les religions, l’islam comme les autres. Dès l’automne 2019, il manifestait "contre l’islamophobie" derrière un collectif dissous après l’assassinat de Samuel Paty. Jadis "bouffeur de curés", l’étiquette des anticléricaux sous la IIIe République, Jean-Luc Mélenchon est désormais tout miel avec les imams et les Insoumis ont abandonné l’universalisme pour draguer l’électorat musulman, un communautarisme qui attise en retour l’hystérie identitaire qui fait le succès du Rassemblement national.

La société française résiste

L’ignorance et la peur gagnent du terrain, une bonne partie des jeunes générations peine à comprendre que la laïcité n’est pas un glaive hostile aux musulmans, mais un bouclier pour tous les citoyens. Plus de la moitié des enseignants admettent s’autocensurer dans leurs cours. Mais malgré les vagues d’attentats islamistes, le pays a tenu et il continue de refuser de se livrer, corps et âme, à l’extrême droite. Pas au nom du Père ou du fils, mais au nom du "Saint-Esprit Charlie".

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