Christiane Taubira, la mauvaise posture
Dans un
premier temps, cette polémique profite à ceux qui doutent de la sincérité de la
parole publique, ceux qui pensent que la politique n'est qu'arrangement avec la
vérité. Ils peuvent
aussi bien se trouver à gauche, auprès de ceux qui s'indignent des soupçons
pesant sur Nicolas Sarkozy, cherchant avec son avocat à contourner le secret de
l'instruction dans une affaire le concernant. Ils peuvent
se trouver à droite, auprès de ceux qui refusent de croire que la justice
puisse enquêter sur un ancien président de la République sans en référer, jour
après jour, dans le détail, auprès du pouvoir politique. Cette polémique
touche à l'essentiel de l'action publique aujourd'hui, la parole du politique
est-elle crédible ?
Et aujourd'hui, droite et gauche répondent non
à cette question.
Tout le
monde dit non, mais en regardant le camp d'en face. La gauche
dit non. En désignant
les pratiques du pouvoir sarkozyste. Mais ele se heurte assez vite au secret de
l'instruction et à la présomption d'innocence. La droite
dit non.
Non, la
gauche n'est pas crédible quand elle prétend laisser la justice agir en toute
indépendance.
Non, le
pouvoir politique ne peut prétendre savoir sans pouvoir.
L'UMP s'appuie
sur des certitudes bien françaises, répandues aussi bien dans l'opinion que
dans la presse, qui tient ces convictions pour des vérités acquises : gouverner
c'est savoir, le ministre de l'Intérieur (premier flic de France) est l'homme
le mieux informé du pays, La place Vendôme a la main sur les carrières et donc
les actes des magistrats. Sur la base
de ces adages, maintes fois vérifiés par la gauche ou la droite au pouvoir, l'UMP
a réussi à renvoyer le soupçon sur la majorité au pouvoir.
Et la majorité a bien du mal à se débarrasser
de ce soupçon.
François
Hollande a été élu en assurant qu'il romprait avec les postures précédentes, et
garantirait l'indépendance de la justice. L'intention,
en elle-même, est extrêmement ambitieuse car elle se heurte à une défiance
générale vis-à-vis du politique, mais aussi de la presse, de la justice, voire
de tous les pouvoirs.
La seule
façon de convaincre, c'était de se montrer irréprochable, or Christiane Taubira
a trébuché. Elle a voulu jouer sur les mots, ne pas tout dire, ne pas préciser
quand elle a avait été informée de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy. Résultat :
toute la posture de l'équipe au pouvoir vacille.
Christiane Taubira peut-elle jouer le rôle de
fusible, et être sacrifiée ? C'est-à-dire devoir quitter le gouvernement.
Jean Marc
Ayrault le refuse. On pourrait
dire " pour l'instant ". Car une
telle démission, précipitée, pourrait être
interprétée comme un aveu de faute, personnelle ou collective. Le remède serait
pire que le mal. Dans l'immédiat,
le gouvernement tente d'établir son
diagnostic, tandis que l'opposition fait monter la température.
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