Corse : l'autonomie, un tabou et des risques
Deux semaines après l'agression en prison d’Yvan Colonna,le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin arrive mercredi 16 mars en Corse. Avec une annonce avant même son arrivée : il promet "l'autonomie".
Gérald Darmanin lâche le mot dans une interview à Corse-Matin : "Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie", dit-il, tout en ajoutant que "la question est de savoir" ce que peut être cette autonomie. Evidemment. Le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, revendique une autonomie "de plein droit", qui ne laisserait à l'État que les compétences régaliennes. Gérald Darmanin ne va pas jusque là. Mais il est donc prêt à ouvrir une nouvelle discussion statutaire sur l’avenir de l’île. Et l’autonomie est un mot magique en Corse. C’est une revendication historique des nationalistes modérés, appuyée par la droite locale. Et un tabou qui pourrait bien réveiller, en pleine campagne présidentielle, la vieille querelle qui oppose jacobins et décentralisateurs.
Le ministre de l’Intérieur fait donc une concession importante, parce qu’il est en position de faiblesse, après une série de manifestations, plusieurs nuits d’émeutes, et une bonne partie de la jeunesse corse en ébullition depuis l’agression d’Yvan Colonna. Dans l’urgence, le gouvernement avait déjà levé le statut de "détenu particulièrement signalé" des trois derniers membres emprisonnés du commando Erignac : Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Un préalable à leur possible transfèrement à la prison de Borgo, sur l’île. La preuve qu’il ne s’agissait pas seulement d’une question de sécurité mais bien d’un geste politique, refusé par l'État depuis plus de quinze ans
Risques politiques
Le premier, c'est que l'enjeu de l’autonomie risque de réveiller des divisions internes à la majorité. Notons d’ailleurs que le candidat Macron a reçu il y a peu le soutien d’un adversaire historique de l’autonomie de la Corse, Jean-Pierre Chevènement, qui avait claqué la porte du gouvernement Jospin sur ce dossier en 2000.
L’autre risque, c’est de donner l’impression de céder à la violence qui se déchaîne depuis deux semaines. Mais sans doute le gouvernement cherche-t-il aussi à redonner la main au président du conseil exécutif, l’autonomiste Gilles Simeoni, débordé par la violence d’une jeunesse radicalisée. C’est l’autre conséquence de l’absence de dialogue entre Paris et les élus corses depuis plusieurs années : ce blocage a contribué à faire d’Yvan Colonna, un assassin trois fois jugé et trois fois condamné à perpétuité pour avoir abattu le préfet Erignac dans le dos, le héros d’une bonne partie de la jeunesse corse. Des jeunes qui n’étaient même pas nés au moment de cet attentat.
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