Cet article date de plus d'un an.

Édito
Gouvernement : Elisabeth Borne, une Première ministre de paradoxes

Elisabeth Borne qui s’apprête à dévoiler le contenu de la réforme des retraites. Un texte emblématique qui fâche tous les syndicats et l’ensemble des partis de gauche... L'édito politique de Renaud Dély.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Elisabeth Borne, la Première ministre, à Paris, le 9 décembre 2022. (ALAIN JOCARD / POOL)

Ce n’est pas le moindre paradoxe d’Elisabeth Borne. Pour espérer faire adopter cette réforme-phare du second quinquennat, la voilà contrainte de draguer des soutiens à droite. Et donc de tourner un peu plus le dos à son camp d’origine. Car souvenez-vous, Elisabeth Borne vient de la gauche. C’était même l’un des arguments mis en avant lors de sa nomination. A l’époque, Emmanuel Macron voulait calmer sa majorité qu’il avait fâché en envisageant de promouvoir à Matignon l’ancienne ministre de droite Catherine Vautrin, notamment coupable de prises de position hostiles au mariage pour tous.

>> Retraites, assurance-chômage, crise énergétique : les principales annonces de la Première ministre, Elisabeth Borne, interrogée sur franceinfo
 
Depuis sa nomination, Elisabeth Borne n'a pas vraiment imprimé sa marque "de gauche". Au sommet de l’exécutif, il n’y a guère que des nuances, des différences de rythme plutôt que de fond. Pendant qu’Emmanuel Macron piaffe de mettre en œuvre sa réforme des retraites "avant la fin de l’été", Elisabeth Borne gagne du temps. Fin septembre, elle avait déjà réfréné ses velléités de passer en force avec un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La Première ministre avait obtenu, un délai, l’ouverture une consultation de trois mois avec les partenaires sociaux. Début décembre, elle a décroché un nouveau sursis d’un mois et le report de la présentation de la réforme au 10 janvier. Mais sur le fond, pour reprendre la fameuse formule de Jacques Chirac : "C’est lui qui décide, et elle qui exécute !"

Souplesse

C’est aussi cela la logique des institutions. Bien sûr, le poste de Premier ministre exige d’avoir l’échine souple et de savoir avaler des couleuvres. De Michel Rocard à François Fillon, nombre de ses prédécesseurs en ont fait l’expérience. Elisabeth Borne a beau revendiquer son souci du dialogue et de la négociation, elle a aussi imposé sans broncher une réforme de l’assurance-chômage qui rabote les indemnités et fâche tous les syndicats jusqu’à la CFDT de Laurent Berger. Et elle portera demain dans le sillage de Gérald Darmanin un projet de loi sur l’immigration qui risque, lui aussi, d’ulcérer la gauche.

Ultime paradoxe : le profil originel d’Elisabeth Borne contribue sans doute à anesthésier l’aile progressiste de la majorité. Et permet à l’exécutif de pencher à droite pour draguer des soutiens parmi les parlementaires de LR.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.