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Édito
Réforme du RSA : l'impossible débat apaisé autour de la solidarité

Pour la Première ministre Elisabeth Borne, il ne s’agit pas "de travailler sans être payé", mais plutôt d'une formation, d'un permis de conduire ou découvrir un métier.
Article rédigé par Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Olivier Dussopt, le ministre du Travail, et Elisabeth Borne, à l'Assemblée nationale, le 2 mai 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

Le RSA, ou l’impossible débat autour de la solidarité ? Le gouvernement souhaite conditionner le revenu de solidarité active à une reprise d’activité ou une formation. Or évoquer le RSA revient à confronter une partie de la droite qui fait son beurre sur le cliché de l’assistanat et une partie de la gauche qui crie à la stigmatisation des précaires, en omettant les limites et effets de seuil de cette aide. Dans ce débat, le gouvernement se situe dans un "en même temps" qui penche quand même plutôt à droite.

L’idée de la Macronie est d’obliger les bénéficiaires du RSA à effectuer 15 heures à 20 heures d’activité par semaine. Dans la bouche de la Première ministre, il ne s’agit pas "de travailler sans être payé", mais d’une formation, d’un permis de conduire, de la découverte d’un métier. Accompagner les bénéficiaires du RSA pour qu’ils retrouvent du travail ! En voilà une bonne idée : comme si personne n’y avait pensé…

Cet accompagnement n’existe quasiment pas

Est-ce le cas aujourd’hui ? La Cour des comptes ne s’est pas économisée en rapports sur le sujet et toute personne un peu sérieuse sur le sujet sait qu’aujourd’hui cet accompagnement n’existe quasiment pas. Et en évoquant "toute personne un peu sérieuse", il faut inclure aussi Matignon, où la Première ministre, elle-même ancienne ministre du Travail, s’alarme de ces bénéficiaires du RSA qui n’ont quasiment aucun contact avec un conseiller.

Les personnes un peu sérieuses savent aussi qu’au-delà de certains abus, il y a surtout des gens qui sont éloignés de l’emploi, pour un tiers d’entre eux, qui ne savent plus par quel bout on prend un job : des femmes et des hommes avec des problèmes de santé, d’addictions, de mobilités ou qui ont des enfants à charge.

Rapprocher ces personnes de l’emploi demande des moyens : le RSA représente douze milliards d’euros par an, financés par les départements. Mais selon que le bénéficiaire habite dans les Hauts-de-Seine ou en Moselle, la collectivité n’aura pas les mêmes moyens pour l’aider. "Le projet du gouvernement n’est pas assez souple", confie un président de département qui a claqué la porte d’une récente expérimentation sur le RSA.

Un effet d’annonce qui entretient la musique populiste

Le problème est que pour l’heure, les annonces du gouvernement ne s’accompagnent d’aucun budget supplémentaire : il s’agit d’un effet d’annonce, très politique, sans réalité budgétaire. Le danger, c’est que rien de concret ne se passe sur le RSA : il n’y a aucun résultat, et cela nourrit une petite musique populiste.

Dans son dernier livre, François Ruffin rapporte les propos de citoyens rencontrés dans la Somme. Des Français qui dénoncent les "cas soc’", les "assistés", "ceux qui ne se lèvent pas le matin". Des paroles d’électeurs du Rassemblement national qui trouvent que la différence entre leur propre salaire et les aides que touchent leur voisin n’est pas si grande. Agiter le sujet du RSA sans en réformer ni le fonctionnement, ni les budgets, n’est-ce pas prendre le risque de conforter ce type de discours plutôt que d’apporter des solutions ?

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