Fichage à Béziers : le "vrai visage" du Front national
Robert Ménard a-t-il fiché les élèves musulmans des écoles de sa commune en fonction de leur prénom ? Non, répond ce mardi soir le maire apparenté FN de Béziers : il n'y a "aucun fichier, aucune fiche informatique ou manuscrite ". Un rétropédalage en règle, après le tollé déclenché par les premières déclarations de Robert Ménard hier sur le plateau de France 2. Déclarations unanimement condamnées.
Depuis la sommet de l'Etat jusqu'aux couloirs de l'assemblée, tout le monde ou presque s'insurge. Depuis Ryad, François Hollande fustige un fichage "contraire à toutes les valeurs de la République ". Dans l'hémicycle du palais Bourbon Manuel Valls dénonce le vrai visage de l'extrême droite : "s'il fallait une démonstration de ce qu'est la gestion par le front national d'une collectivité territoriale, elle est faite. L'extrême-droite n'a pas changé, elle n'a rien renié de son passé et de ses pratiques ".
Manuel Valls est en pointe dans le combat anti-FN, notamment depuis les dernières élections départementales. En plein psychodrame politico-familial au FN, le Premier ministre trouve dans cette affaire de fichiers une occasion de pointer les fondamentaux du parti d'extrême droite, au-delà de la mise à l'écart du patriarche Le Pen et de la dédiabolisation tentée par sa fille.
Ont-ils senti le piège ? En tout cas certains élus frontistes prennent leur distances vis à vis de Robert Ménard, à l'image du député mariniste Gilbert Collard : "il y a Mohamed Merah, et il y a Karim Ouchikh, président du SIEL rattaché au Rassemblement Bleu Marine... donc juger quelqu'un sur son prénom est une absurdité ". De son côté, le vice-président du FN Florian Philippot minimise : il dénonce une "polémique totalement vaine ", et "s'interroge sur les cris d'orfraie et les indignations sélectives des moralisateurs UMPS qui feraient bien de balayer devant leurs portes ".
Robert Ménard suspendu ?
Robert Ménard tombe sous le coup de la loi : une enquête préliminaire a été ouverte pour "tenue illégale de fichiers en raison de l'origine ethnique". Par ailleurs, certains députés réclament une sanction administrative pour le maire de Béziers. Cette sanction existe, c'est la suspension.
Le député-maire écolo de Bègles Noël Mamère l'a expérimenté en juin 2004, pour avoir marié deux hommes, ce qui n'était pas prévu par la loi. Le premier ministre de l'époque Dominique de Villepin l'a suspendu de ses fonctions pour un mois. Aujourd'hui Noël Mamère et quelques autres réclament, au minimum, la même sanction pour Robert Ménard.
Statistiques ethniques : le débat relancé
La France, à l'inverse des pays anglo-saxons, refuse les politiques ciblées, les quotas ou les statistiques ethniques pour traiter tous les citoyens à égalité. Du coup, la question de l'utilisation de statistiques ethniques, défendue par les uns pour mieux lutter contre les discriminations, combattue par les autres au nom de l'unité républicaine, continue de diviser chercheurs, élus et associations... un débat qui ressurgit à l'occasion de l'affaire de Béziers.
Selon le député UMP des Alpes Maritimes Eric Ciotti, ce débat "est porté par des universitaires qui soulignent l'intérêt que pourraient avoir de tels outils. Mais c'est un débat qui doit rester technique, voire scientifique, et qui ne doit pas déraper dans un cadre politique et a fortiori être utilisé à des fins politiciennes ".
Des statistiques ethniques violemment combattues en revanche par le député socialiste de l'Essonne Malek Boutih : "il n'y a aucune base scientifique aux statistiques ethniques, c'est un enfumage, une vision de l'esprit, une théorie raciste qui a été mise sur pied par le régime sud-africain du temps de l'apartheid. La démonstration est faite : toute statistique ethnique entraîne des pratiques discriminatoires, et ce n'est pas un hasard si c'est quelqu'un d'extrême droite qui les a appliquées pour la première fois en France ".
Un député socialiste plutôt favorable aux statistiques ethniques le reconnaît hors micro : "relancer le débat sur les statistiques ethniques serait totalement inopportun, le climat est trop explosif ". Surtout, ne pas se laisser entraîner sur un terrain décidément trop favorable au FN.
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