Cet article date de plus de neuf ans.

Loi Macron : le 49-3, d'une pierre trois coups

Manuel Valls dégaine de nouveau le 49-3 pour faire passer le projet de loi Macron. Sans être officielle, l’info est confirmée par plusieurs sources. Objectif: aller vite mais aussi éviter le désaveu d'un trop grand nombre de députés de gauche. C'est en tout cas ce qu'affirment les frondeurs socialistes, très remontés contre ce nouveau passage en force.
Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (©)

D'un côté, la version gouvernementale : la fameuse loi Macron, censée doper la croissance et l'activité, voilà des mois que l'on en parle. La discussion a eu lieu en première lecture, à l'Assemblée nationale et au Sénat, puis de nouveau en commission spéciale la semaine dernière. "437 heures de débat et 2.024 amendements adoptés " avancent les services de Bercy. Plus question donc de tergiverser, il faut maintenant adopter ce projet de loi, qui aurait le soutien de l'opinion, et l'adopter vite, afin de promulguer la loi début août, et booster ainsi la deuxième partie de la saison estivale. Rien à voir, donc, avec les états d'âme des députés socialistes. "Il n'y a pas de problème de majorité sur ce texte , affirme un proche de Manuel Valls, seulement une volonté d'être efficace ". Faux, répondent en chœur les frondeurs. "Indiscutablement, cette loi est plus minoritaire aujourd'hui qu'en première lecture ", assure l'un d'eux qui a fait ses comptes : une quarantaine de socialistes s'apprêtaient à voter contre, soit dix de plus qu'en février.

Le jeu s’est encore durci

Entre temps, un nouvel article s'est invité dans le texte de loi. Alors qu’en février, c'est l'extension du travail dominical qui mettait le feu, la semaine dernière le gouvernement a introduit dans le projet de loi Macron le plafonnement des indemnités prud'hommales en cas de licenciement abusif, une mesure censée favoriser l'emploi dans les TPE et PME. De quoi durcir considérablement le jeu. "Ca a montré qu'il n'y avait pas de limite à la dérive libérale de ce gouvernement" , tacle un député. Et le frondeur Benoît Hamon de surenchérir : "Je ne sais pas comment on peut parler de rassemblement avec un premier ministre qui ne cesse de donner des coups à sa majorité et caresse la droite dans le sens du poil ".

Un 49-3 brandi dès l’ouverture des débats ?

Les frondeurs sont d’autant plus remontés que le 49-3 pourrait être dégainé dès l’ouverture du débat parlementaire. Si la décision de passer en force a été actée ce lundi midi à Matignon, lors d'un déjeuner autour de Manuel Valls, le moment où cette arme législative va être brandie n'est pas encore annoncé. La rumeur veut que cela ait lieu dès le début des discussions, demain après-midi, et cela passe très mal dans les rangs des frondeurs qui n'auront même pas la possibilité de discuter un tant soit peu le texte. Au total, un millier d'amendements vont aller à la poubelle. Des amendements de gauche, mais aussi de droite où l'on se frotte les mains devant le spectacle offert par la majorité. "C'est la panique générale au gouvernement , s'amuse le chef du groupe Les républicains Christian Jacob, le Premier ministre est en perdition, c'est un acte de défiance vis-à-vis de sa propre majorité ".

L'opposition va déposer une motion de censure en réponse à l'utilisation du 49-3. Cette motion n'a aucune chance d'être adoptée. Les frondeurs socialistes ont simplement prévu de quitter l’hémicycle au moment du vote.

Arme à double détente

Du point de vue du gouvernement, l’arme du 49-3 est à double détente : non seulement elle assure l’adoption sans coup férir de l’extension du travail dominical et du plafonnement des indemnités de licenciement abusif, mais elle va aussi permettre de jeter aux orties un amendement adopté la semaine dernière, qui entend assouplir la loi Evin sur la publicité pour l'alcool. Introduite au Sénat et validée en commission à l'Assemblée, cette disposition divise les socialistes. Aux dernières nouvelles, un amendement de suppression signé de l'ancienne ministre Michèle Delaunay aurait obtenu l'aval du gouvernement. Il supprimerait, donc, l'article controversé, tout en donnant des gages à la filière viticole. C'est ce qui s'appelle jeter le bébé avec l'eau du bain, ou mieux : faire d'une pierre trois coups.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.