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Mort d'Yvan Colonna : le fossé entre la France et la Corse se creuse

La Corse enterre ce vendredi, à Cargèse, l'assassin du préfet Erignac, agressé en prison. Et, plus que jamais, le sujet semble hautement inflammable.

Article rédigé par franceinfo - Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un graffiti intitulé "Liberté" avec les formes des trois hommes impliqués dans le commando du préfet Erignac, Yvan Colonna, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, le 14 mars 2022 à Bastia. (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Mort après avoir été violemment agressé en prison, Yvan Colonna, l’assassin du préfet Erignac, est inhumé ce vendredi 25 mars en Corse, à Cargèse. Depuis son agression en prison, le fossé entre l’île et le continent semble se creuser un peu plus jour après jour. 

Au-delà des quelques nuits d’émeute qui ont suivi, ce fossé s’est manifesté de façon symbolique avec la mise en berne des drapeaux qui flottent sur l’Assemblée de Corse à l’annonce de la mort d’Yvan Colonna. Une décision prise par les autonomistes au pouvoir, comme s’il s’agissait de célébrer la mémoire et l’oeuvre d’une personnalité officielle. "Une faute" s’est insurgé Emmanuel Macron qui a jugé que ce comportement était "inapproprié".

De leur côté, les nationalistes corses s’appliquent à faire de Colonna une victime de l’Etat français. Victime, d’abord, du refus de Paris, pendant des années, d’autoriser son transfèrement à la prison de Borgo, sur l’île. Et victime, ensuite, de cette tragique agression à la prison d’Arles…

L’Etat devra-t-il rendre des comptes ?

Au coeur de ces accusations, les dysfonctionnements qui ont conduit à ce drame en détention. Alors, l'Etat devra-t-il rendre des comptes ? Des enquêtes sont en cours et toute la lumière doit être faite. Mais Yvan Colonna a été tué par un détenu djihadiste, pas par l’Etat français. En revanche, il reste coupable d’avoir assassiné l’un de ses plus hauts représentants. Après quatre ans de cavale, il a été trois fois jugé et trois fois condamné pour avoir abattu le préfet Erignac dans le dos. Or, toute une frange de la Corse, et notamment la jeunesse qui a manifesté ces dernières semaines, réécrit cette histoire pour transformer un assassin en héros. Et le problème, c’est que les élus corses au pouvoir entretiennent l’ambiguïté. C’est le cas du président de l’exécutif, l’autonomiste Gilles Siméoni. Il joue de sa double casquette, puisqu’il fut aussi l’avocat de Colonna, pour participer à cette "héroïsation".

C’est d'ailleurs avec Gilles Simeoni que Gérald Darmanin vient d’ouvrir un cycle de négociations pouvant conduire, selon le ministre de l’Intérieur, jusqu’à "l’autonomie" de l’ile. Et voilà le piège qui menace le gouvernement : comment discuter en confiance avec des élus qui jouent double jeu, un pied dans la République, un pied en dehors ?

Si Gérald Darmanin a remis en selle Gilles Simeoni et les autonomistes, c’est parce que ceux-ci sont menacés d’être débordés par des nationalistes plus radicaux. Mais le souci, c’est aussi qu’en cédant si vite pour ramener le calme, le gouvernement a permis aux jeunes émeutiers de répéter qu’ils ont davantage obtenu en sept jours de manifestations que leurs aînés élus en sept ans de gestion. Si, comme beaucoup le craignent, les violences reprennent une fois Colonna enterré, le fossé entre la Corse et le continent paraîtra encore un peu plus profond.

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