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Covid-19 : Katalin Kariko, la biochimiste reconnue sur le tard à l'origine des vaccins à ARN messager

Cette émigrée hongroise est arrivée aux États-Unis il y a 35 ans. Sans ses travaux de recherche, longtemps dénigrés, le vaccin à ARN messager contre le coronavirus n'aurait pas vu le jour.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Katalin Kariko, biochimiste. (AFP)

Une femme illustre parfaitement le concept de "sleeping beauty", la belle au bois dormant. Dans le domaine scientifique, une "sleeping beauty" fait référence, non pas à une princesse qui ne fait rien qu’à dormir 100 ans en attendant qu’un bellâtre la réveille en l’embrassant, mais aux travaux reconnus tardivement. Et Katalin Kariko en est l’illustration parfaite. Sur ses 40 années de recherches, cette biochimiste de 65 ans en a passé 30 à s’entendre dire : "Vous faites fausse route." Katalin Kariko est celle dont les travaux ont permis la mise au point des vaccins contre le Covid, grâce à l’ARN messager. Elle travaillait très exactement sur le développement de l’ARN messager vitro transcrit pour les thérapies protéiques.  En gros, avec un vaccin classique, on vous injecte une protéine du virus, quand l’ARN messager dit lui à vos cellules comment fabriquer la protéine.

"Cette femme avec un accent, il doit y avoir quelqu’un derrière..."

À l’âge de 30 ans, en 1985, Katalin quitte sa Hongrie natale. Elle passe à l’ouest avec, raconte t-elle, 100 dollars dans son sac à main, et 900 dans la peluche de sa fille. Elle arrive aux États-Unis, à Philadelphie, où elle est recrutée par deux universités. Un poste de professeur lui tend les bras. Elle est, dit-elle, persuadée qu’en travaillant sur l’ARN messager, elle fait quelque chose d’extrêmement important. Ses supérieurs en sont tellement persuadés... qu’ils la rétrogradent au rang de simple chercheuse. Eux sont obsédés par l’ADN, pas par l’ARN.

Katalin Kariko pense aujourd’hui, elle l’a déclaré lors d’interviews, que le fait d’évoluer dans un monde masculin a pu la desservir : "Les experts que je rencontrais pensaient toujours : 'cette femme avec un accent, il doit y avoir quelqu’un derrière, quelqu’un de plus intelligent'..."

Des années de vaches maigres, mais elle ne veut pas devenir, comme elle dit, une scientifique médiocre et plaintive; Alors elle s’acharne, jusqu’à sa rencontre en 2005 avec un immunologiste. Leurs travaux croisés, 15 ans après, permettent la mise au point du vaccin dont on parle tant aujourd’hui. "La conviction est la volonté humaine arrivée à sa plus grande puissance", écrivait Balzac, évidemment pas à propos de Katalin Kariko, mais c’est tout comme.

Les travaux de la biochimiste pourraient encore déboucher sur des traitements anti-cancéreux, ou post AVC, comme ils pourraient surtout lui valoir un Nobel, pour l’avancée que le monde scientifique lui doit. Or, n’oublions pas qu’une civilisation sans la science, nous apprenait Pierre Desproges, c’est aussi absurde qu’un poisson sans bicyclette.

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