Enregistrées il y a 50 ans, des archives sonores inédites mettent en lumière la culture semi-nomade des Bédouins en Israël
Cela fait cinquante ans que Clinton Bailey travaille à compiler toute les informations possibles sur la culture bédouine, enregistrant avec un magnétophone les souvenirs des chefs de tribu. Des documents uniques que la Bibliothèque nationale d’Israël vient de numériser intégralement et mettre sur son site.
Clinton Bailey est un passeur de mémoire, celle des Bédouins, ces tribus semi-nomades qui habitent dans le désert du Néguev en Israël. C'est une culture mal connue, ignorée, et qu’il a passé sa vie à étudier. Pourtant rien ne le destinait à cette rencontre. Lui, enfant d’une famille juive ayant fui l’Europe, est né dans les années 1940 à 9 000 kilomètres du Néguev, dans l’État de New York aux Etats-Unis. Elève brillant, il étudie l’histoire de l’art, obtient son diplôme, fait son service militaire dans la marine puis décide de partir, d’émigrer en Israël, s’installer dans un kibboutz au sud du pays et d’y enseigner l’anglais.
"C’est là que j’ai rencontré les Bédouins, expliquait-il en 2011 au journal Haaretz, lors de mes promenades et mes joggings quotidiens, ils m’invitaient sous leur tentes, pour assister au repas traditionnel, partager leur culture, et ça m’a passionné." Clinton Bailey apprend donc l’arabe, pour pouvoir échanger, écouter, comprendre. Mais en voyant arriver les premiers objets en plastique sous les tentes, les bouteilles d’eau remplaçant les outres, les postes de radio, il réalise que la modernité va inévitablement conquérir leur mode de vie, et effacer progressivement les traditions. Ce que redoutent aussi les chefs de tribu.
Comprendre la culture des Bédouins, c’est comprendre la nature humaine, comprendre comment l’on peut ajuster son mode de vie, y compris dans des conditions extrêmement difficiles.
Clinton Bailey, spécialiste de la culture bédouineà l'AFP
Alors ils décident de commencer avec lui et son magnétophone un travail de mémoire, une encyclopédie sonore, énumérant à son micro leurs souvenirs, leurs poèmes, histoires, proverbes, contes, mais aussi le fonctionnement des lois tribales, les ressorts de la société bédouine, les rites, le rapport à l’environnement, à l’eau, au désert. 350 heures d’enregistrement, étalées sur des années et qui forment un témoignage majeur, unique sur la culture des Bédouins. Si l’on en parle aujourd’hui, 50 ans après le premier entretien, c’est parce que la Bibliothèque Nationale d’Israël vient d’en numériser l’intégralité.
Pour que la jeune génération puisse avoir accès à la parole des anciens, mais aussi pour que tous les Israéliens découvrent enfin la culture de ceux qui sont membres à part entière de ce pays mosaïque.
Ils sont environ 250 000 Bédouins, arabes-israéliens, et régulièrement menacés, délogés, leurs tentes détruites par l’armée, comme ce fut le cas encore la semaine dernière près du Jourdain comme le rapporte l’AFP, pour y mettre autre chose, des colonies, des villes nouvelles. Ce que dénonce Clinton Bailey, qui veut croire encore à la possibilité d’une coexistence. "Comprendre cette culture, dit-il, c’est comprendre la nature humaine, comprendre comment l’on peut ajuster son mode de vie, y compris dans des conditions extrêmement difficiles." Manière de dire qu’on ferait bien de s’y intéresser.
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