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"Qu’auriez-vous aimé dire sans l’avoir jamais fait ?" : cette question posée sur Instagram par Geloy Concepcion est devenue un projet artistique

En un an, ce photographe philippin a reçu 1 500 réponses sur les réseaux sociaux. Des messages qu’il recopie sur des photos prises par lui et qu’il publie sur Instagram, récoltant des dizaines de milliers de "j’aime".

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Geloy Concepcion poste sur Instagram des photos avec des messages envoyés par des internautes. Photo d'illustration. (CAPTURE D'ECRAN)

Au départ, c’était une banale question à l’adresse de ses abonnés, mais la pandémie de Covid-19 et la morosité ambiante sont passées par là. Sa question, il l'a publiée sur le réseau social avant que le virus ne débarque. C'était fin 2019, dans l’indifférence la plus totale. Geloy Conception est philippin, il est né à Manille en 1992, dans le quartier ouvrier de Pandacan. Dans cette ville qui bouillonne en permanence, ce qui l’a intéressé très tôt, c’est la photo : capter la lumière, saisir un cadre, fixer le mouvement. Et surtout raconter des vies en images. Un rêve d’adolescent qu’il concrétise rapidement, vendant ses premiers portraits à la presse locale, puis nationale. Son travail se retrouve exposé à Singapour, au Japon, en Australie.

Fort de son succès, il décide donc d’émigrer, avec sa femme et sa fille, de l’autre côté du Pacifique, aux États-Unis, à 11 000 kilomètres de chez lui, pour immortaliser d’autres scènes. Mais en arrivant à San Franscisco, son projet tourne court. Il n’a pas de visa de travail et aucun journal ne veut acheter ses photos. Il tourne donc en rond chez lui, déprimé, désœuvré, pendant que sa femme fait ses heures comme serveuse dans un restaurant. C’est là qu’il publie sa question sur son compte Instagram : "Et vous ? Qu’auriez-vous aimé dire à quelqu’un sans l’avoir jamais fait ?" Au départ, il ne reçoit qu’une dizaine de réponses, avant que n’arrivent le coronavirus, ses malades, ses morts, et ses confinements.

Ma question est devenue un projet artistique, qui a lui-même créé une communauté d'anonymes, et sa durée de vie dépendra de ces personnes. Aussi lontemps que je recevrai des messages, il y aura des photos.

Geloy Concepcion, photographe

à la radio NPR

"En avril 2020, dit-il à la radio américaine NPR, on s’est tous retrouvés enfermés, isolés avec nos pensées, nos démons pour certains, et ça a tout changé." Effectivement, avec l’effondrement moral généralisé, la publication de Geloy Concepcion réémerge, devenant pour des centaines d’internautes une véritable catharsis : "Je voudrais lui dire que je m’excuse d’avoir manqué de courage",  "J'aurais voulu lui dire que l’épouser a été le plus beau jour de ma vie", ou encore "J'aimerais pouvoir lui dire 's’il te plait, reviens'." 

Des actes manqués, de l’amour, des blessures aussi. Des messages courts, anonymes, qu’il recopie au feutre sur des photos jamais utilisées avant de les poster sur Instagram. Aujourd’hui, il est arrivé à 1 500 messages, récoltant des dizaines de milliers de "j’aime" à chaque publication et sa question est devenue une œuvre d’art, gratuite, accessible à tous, et surtout sans limite de temps. Parce qu’il y aura toujours des choses indicibles, non dites, ou du moins pas encore.

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