Cet article date de plus d'onze ans.

Mafia : un journaliste raconte les "années de sang"

Attilio Bolzoni est un des meilleurs spécialistes de Cosa Nostra. Alors qu'un procès historique vient de s'ouvrir à Palerme, il raconte, dans L'Express, la terreur qui régnait, il y a trente ans, en Sicile.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Franceinfo (Franceinfo)

Certains crimes ont plus de
trente ans. Mais le dossier reste brûlant. D'ailleurs, Palerme accueille en ce
moment un procès historique, le procès des relations secrètes entre l'Etat et
la Mafia. Aujourd'hui, Attilio Bolzoni travaille pour "La Repubblica".
Mais à la fin des années 1970, au début des années 1980, il était jeune
journaliste à "L'Ora", un quotidien de Palerme. A l'époque, la
capitale de la Sicile est une "ville-abattoir". Dans les rues, les
crieurs de journaux n'ont qu'un slogan pour vendre le quotidien. Ils crient :
"quanti ne muriru, quanti ne cadiru" - combien sont morts, combien
sont tombés ? Les rues n'ont plus de nom. Quand des habitants se donnent
rendez-vous, ils disent par exemple : "on se voit à 18 heures, là où ils
ont tué le procureur Costa".

Attilio Bolzani raconte Palerme

Attilio Bolzoni passe d'un
attentat à l'autre, d'un cadavre à l'autre. Il raconte les scènes de crime. Il
raconte aussi le silence. Car officiellement, à l'époque, la Mafia n'existe
pas. D'ailleurs, les procureurs ne prononcent jamais le mot "mafia".
Il y a des complicités, obscures et implacables, entre des hommes politiques et
les chefs de Cosa Nostra. Malheur à celui qui dénonce les crimes. Bolzoni s'en
souvient :

"si un homme sortait du bois, déclarait qu'il était mafieux, il
était forcément considéré comme un cinglé. Parce que les mafieux ne parlent
jamais".

Pourtant, à Palerme, tout se

sait, très vite, et tout le monde se méfie.

Même le chef de la police quand il
monte une opération. Le 4 mai 1980, dans un village, il fait arrêter trois
hommes soupçonnés d'avoir assassiné un carabinier. Pour les coffrer, il fait
appel à des policiers venus de Rome. Il ne dit rien à ses propres enquêteurs.
Il va plus loin. Il invente une mutinerie dans une prison pour attirer les
hommes qui sont sous ses ordres. En fait, il n'y a pas de mutinerie. C'est une
ruse pour attirer les policiers locaux dans une caserne. Pendant plusieurs
heures, ils les retient, loin de l'arrestation. Le haut-gradé se méfie de sa
propre équipe.

Dans L'Express, Attilio
Bolzoni raconte aussi le courage de ceux qui luttent contre le mafia. Ils sont
peu nombreux. Le 30 avril 1982, un élu qui dénonce Cosa Nostra est assassiné
dans sa voiture. Le journaliste arrive sur place. Autour du corps, il voit les
juges Falcone, Borsellino, Chinnici, le commissaire Cassara. Une photo les
montre tous les quatre autour de la voiture. Aujourd'hui, quand le journaliste
revoit la photo, il a la nausée. Car depuis, les quatre hommes, eux aussi, ont
été assassinés. Attilio Bolzoni ne les oublie pas.

 

 

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