L'info de l'histoire : la rigueur qui fait peur

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Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Raymond Barre succède à Jacques Chirac au poste de Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing, le 27 août 1976 (AFP)

La rigueur a longtemps été considérée comme une valeur de droite, une marque de sérieux des conservateurs et des libéraux. La gauche c’était les cigales, avec les mesures sociales, le bloc des gauches, le cartel des gauches, le Front populaire. À chaque fois venait ensuite un gouvernement de droite qui devait rétablir l’équilibre : Clemenceau, Poincaré, Laval… La pause de Léon Blum, même, à la fin du Front populaire, c’était le retour à la rigueur budgétaire. La rigueur était une idée positive, mais classée à droite.

C'est encore vrai au début de la Ve République, avec Antoine Pinay, le premier ministre des Finances et des Affaires économiques de De Gaulle. Pour lui, la rigueur va avec la réussite économique, elle en est le préalable. On retrouve cette idée en 1976, quand Raymond Barre succède à Jacques Chirac. Les commentateurs parlent d’une rigueur face à la relance de son prédécesseur, alors qu’il s’agit d’une des premières politiques de l’offre. On parle de mettre de l’ordre dans les comptes.

Curieusement les socialistes et Pierre Mauroy, en 1981, font basculer le mot à gauche. Le nouveau Premier ministre de l’alternance reprend ce vocabulaire pour rassurer. Mais en fait, il est loin de faire le jeu de la réduction des dépenses. Même le ministre de l'Economie Jacques Delors utilise le mot, alors que la monnaie dévisse et que les déficits explosent, dès le mois de septembre 1981.

Le mot "rigueur" devient tabou

Si bien qu’en 1983 ce n’est plus de rigueur que l’on parle, mais de politique d’austérité. L’heure est grave mais le président cherche à minimiser le tournant. François Mitterrand est en plein déni, voulant faire croire que rien n’a changé et qu’il poursuit la même politique… Mais tout le monde a compris. Le tournant déclenche des grèves et fait chuter la popularité de la gauche. Juste après, elle perd les législatives. Signe qu’il ne faut pas donner l’impression de rigueur, sauf à fâcher les Français.

Depuis, impossible de parler de rigueur et d’austérité sans avoir l’impression de tresser la corde pour se faire pendre. Balladur, Juppé, Valls : tous masquent le mot.

Au fond, le retour du mot rigueur avec Michel Barnier aujourd’hui manifeste la vieille croyance qu’un gouvernement de droite va mettre fin à la pratique dispendieuse d’un président cigale. Un retour aux sources du vocabulaire et des décisions après une éclipse centriste.

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